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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Je porte la responsabilité <strong>de</strong> ce que je fais et <strong>de</strong> ce que je choisis d’ignorer. La position sartrienne ne se<br />

situe pas au plan <strong>de</strong> la morale : Sartre ne dit pas que je <strong>de</strong>vrais faire autre chose, mais affirme que ce<br />

que je fais est <strong>de</strong> ma responsabilité. 1<br />

La responsabilité <strong>psychique</strong> se réalise donc dans un ensemble <strong>de</strong> choix déterminant la place, ou les<br />

places, que nous nous donnons à l’égard d’autrui en fonction <strong>de</strong> ce que nous décidons ou non<br />

d’assumer pour lui, et dont nous avons, d’abord à nous-mêmes, à rendre compte.<br />

Analogiquement à la responsabilité juridique, elle se déploie en <strong>de</strong>ux processus distincts, tous <strong>de</strong>ux<br />

constitutifs <strong>de</strong>s normes personnelles :<br />

- l’un qui élabore un mo<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong>s modalités personnelles <strong>de</strong> s’inscrire et <strong>de</strong> se<br />

mouvoir dans le mon<strong>de</strong> et à l’égard d’autrui ;<br />

- l’autre qui construit un système <strong>de</strong> représentation qui donne au mon<strong>de</strong> sa consistance, sa réalité,<br />

ses évi<strong>de</strong>nces et ses certitu<strong>de</strong>s, mais aussi, en creux, ses limites et ses impossibilités.<br />

a). De l’Imputation juridique aux Normes <strong>de</strong> vie personnelles<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Choisir un métier, faire ou non <strong>de</strong>s enfants, se marier, vivre à la ville ou à la campagne,<br />

exercer son droit <strong>de</strong> vote ou non…, renvoient certes à <strong>de</strong>s options existentielles, mais participent<br />

également à constituer un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie et un mo<strong>de</strong> d’être à autrui dont régularités statistiques<br />

n’épuiseront jamais totalement la subjectivité <strong>de</strong>s choix dont ils procè<strong>de</strong>nt. Dans la perspective du<br />

TPV, <strong>de</strong>ux questions se feront ici insistantes : « que faisais-je là » ? Et « quel rôle ai-je joué ? ».<br />

La question n’est donc pas qu’affaire d’imputation juridique et il se pose ainsi à tout victimé celle <strong>de</strong><br />

sa responsabilité au regard <strong>de</strong> ses propres normes : il a à se justifier à <strong>de</strong>s propres yeux d’avoir été là<br />

ou <strong>de</strong> ne pas y avoir été, d’avoir, ne serait-ce qu’un instant, partagé le même espace et le même<br />

temps que l’agresseur, <strong>de</strong> n’avoir pas su, ou mal su, anticiper ce qui allait advenir, <strong>de</strong> n’avoir pas<br />

réagi <strong>de</strong> telle façon à infléchir le déroulement <strong>de</strong> l’événement en un sens moins funeste… : il a tenu,<br />

aussi, au victimé que l’événement survienne et qu’il y soit impliqué, même si cela ne procédait pas<br />

forcément d’une intention, même inconsciente. Cela ne veut pas néc<strong>essai</strong>rement dire, qu’au plan<br />

juridique il craigne que puisse lui être imputé quelque chose ; mais était-il, au regard <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

vie et <strong>de</strong> ses manières d’être, en conformité avec lui-même ?<br />

Cette question ne peut pas ne pas se poser et le victimé <strong>de</strong>vra composer avec cette autocritique qui<br />

s’impose à lui. Comme le soulignait douloureusement une <strong>victime</strong> <strong>de</strong> harcèlement après <strong>de</strong>s mois<br />

d’introspection critique : « On m’a dit que j’avais sûrement une responsabilité dans ce qui s’est<br />

passé, mais quelle responsabilité sinon celle d’avoir été là et d’avoir été moi ? Et pourtant, je ne peux<br />

pas m’empêcher <strong>de</strong> me dire que c’est <strong>de</strong> ma faute… ». L’on a au fond toujours quelque chose à se<br />

reprocher et croire le contraire reviendrait à admettre que l’on n’est pas maître <strong>de</strong> sa vie, ce qui, en<br />

soi, n’est guère plus réconfortant ; et, inversement, l’on peut toujours faire le reproche à autrui <strong>de</strong> ne<br />

pas avoir été à la place et dans le « rôle » qu’on lui avait assignés. En cela, l’imputation interroge le<br />

victimé dans ses mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> relation à autrui.<br />

1 I. Yalom (2008) : Thérapie existentielle, Galaa<strong>de</strong> Editions, Paris, p. 303.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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