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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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2.2.3.1. De la clinique avant toute chose…<br />

227<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Entamons notre étu<strong>de</strong> par le texte le plus achevé <strong>de</strong> Ferenczi sur la question, la Confusion <strong>de</strong><br />

langue et par la façon dont il met en perspective ses propos, exemplaire <strong>de</strong> la préoccupation clinique<br />

qui caractérise son abord <strong>de</strong> la question du traumatisme.<br />

C’est par un long préambule relatif aux conditions d’écoute offertes par les analystes à leurs patients,<br />

et aux effets transférentiels en retour dont elles sont responsables, que Ferenczi introduit le lecteur à<br />

la Confusion <strong>de</strong> langue. Car le problème qui se pose avant tout à lui est l’un <strong>de</strong> ceux qui, à partir <strong>de</strong><br />

1920, <strong>de</strong>vient important, celui <strong>de</strong>s impasses thérapeutiques (« certains échecs ou résultats<br />

thérapeutiques incomplets » écrit Ferenczi), <strong>de</strong> la compréhension <strong>de</strong> leurs causes, et <strong>de</strong> leur<br />

dépassement, à l’opposé d’une réponse d’autant plus confortable qu’elle est trop communément<br />

admise, la résistance du patient, il s’agit <strong>de</strong> s’interroger sans relâche sur la position d’analyste en tant<br />

qu’elle favorise le processus <strong>de</strong> guérison, ou au contraire y fait obstacle. Il s’agit principalement :<br />

- <strong>de</strong> ce que Ferenczi dénomme « l’hypocrisie professionnelle » du psychanalyste : pseudo<br />

empathie, toute-puissance sous la forme <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>s quant à son savoir et sa technique,<br />

froi<strong>de</strong>ur, indifférence à la souffrance, affects négatifs déniés...<br />

- <strong>de</strong> la prise en compte insuffisante par l’analyste <strong>de</strong>s affects négatifs éprouvés par les patients à<br />

son égard, y compris et surtout lorsque ceux-ci se cachent <strong>de</strong>rrière une acceptation par trop<br />

compliante <strong>de</strong>s interprétations proposées, non prise en compte qui rend leur expression<br />

impossible et participe à maintenir le patient en état <strong>de</strong> dépendance passive...<br />

- la réticence à mettre en cause <strong>de</strong>s modèles explicatifs bien trop rapi<strong>de</strong>ment admis comme<br />

définitivement acquis, contre certaines évi<strong>de</strong>nces cliniques.<br />

Ainsi pouvait-il écrire :<br />

Des formules telles que « la résistance du patient est insurmontable » ou « le narcissisme ne permet<br />

pas d’approfondir ce cas plus avant » ou même la résignation fataliste face au soi-disant enlisement<br />

d’un cas, sont restées pour moi inadmissibles. J’ai pensé que tant que le patient continue à venir, le fil<br />

<strong>de</strong> l’espoir n’est pas rompu. Je <strong>de</strong>vais donc sans cesse me poser la question : est-ce que la cause <strong>de</strong><br />

l’échec est toujours la résistance du patient, n’est-ce pas plutôt notre propre confort qui dédaigne <strong>de</strong><br />

s’adapter aux particularités <strong>de</strong> la personne elle-même, sur le plan <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> ? 1<br />

Là rési<strong>de</strong> la justification <strong>de</strong>s nombreux aménagements que n’a cessé <strong>de</strong> rechercher et<br />

d’apporter Ferenczi à la technique analytique classique, contre l’enlisement <strong>de</strong> la cure, contre la<br />

répétition imputable non au patient, mais à <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s comportements inappropriés :<br />

L’attente froi<strong>de</strong> et muette, ainsi que l’absence <strong>de</strong> réaction <strong>de</strong> l’analyste, paraissent alors souvent jouer<br />

dans le sens d’une perturbation <strong>de</strong> la liberté d’associations. Dès que le patient se trouve disposé à tout<br />

livrer en s’abandonnant réellement, à dire tout ce qui se passe en lui, il émerge soudain <strong>de</strong> son état,<br />

en sursaut, et se plaint qu’il lui est vraiment impossible <strong>de</strong> prendre au sérieux ses mouvements<br />

intérieurs quand il me sait tranquillement assis <strong>de</strong>rrière lui, fumant ma cigarette et réagissant, tout au<br />

plus indifférent et froid, par la question stéréotypée : « Qu’est-ce qui vous vient à ce propos ? » Alors<br />

j’ai pensé qu’il <strong>de</strong>vait y avoir <strong>de</strong>s moyens d’éliminer cette perturbation <strong>de</strong>s associations pour fournir<br />

1 Ferenczi S. (1931) : Analyses d’enfants avec <strong>de</strong>s adultes, In S. Ferenczi (1990), Psychanalyse IV, Payot, 1990,<br />

Paris, p. 100.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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