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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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En poussant jusqu’à ses limites, mais pas à son point <strong>de</strong> rupture, le paradigme neurologique <strong>de</strong><br />

l’hystérie, Charcot avait ainsi préparé le terrain à ce qui allait constituer l’aventure <strong>de</strong>s décennies à<br />

venir, pour ce qui concerne du moins le domaine du comportement humain et <strong>de</strong> la folie : la<br />

constitution d’une discipline nouvelle, la <strong>psycho</strong>logie clinique et son corollaire, la <strong>psycho</strong>pathologie.<br />

L’enjeu est en fait double puisqu’il va s’agir non seulement <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s modèles renouvelés <strong>de</strong><br />

la pathologie « mentale », mais aussi, pour ce faire, d’édifier les fon<strong>de</strong>ments épistémologiques<br />

néc<strong>essai</strong>rement nouveaux sur les bases <strong>de</strong>squels les élaborer, ce que Freud désignera par le terme<br />

<strong>de</strong> « méta<strong>psycho</strong>logie ». Ce <strong>travail</strong> d’élaboration allait s’avérer particulièrement complexe car une<br />

telle méta<strong>psycho</strong>logie, par opposition à la <strong>psycho</strong>logie <strong>de</strong>s fonctions, ne pouvait tenir sa raison qu’à<br />

s’attacher à appréhen<strong>de</strong>r l’être humain dans ses caractéristiques générales en tant qu’espèce,- pour<br />

le moins singulière-, dans le mon<strong>de</strong> du vivant, ce qui paradoxalement impliquait <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir<br />

simultanément rendre compte <strong>de</strong> la singularité <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ses membres, et ceci à partir <strong>de</strong> leur<br />

histoire propre.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Cette <strong>psycho</strong>logie, fondamentalement nouvelle dans ses postulats et ses objets, n’est<br />

cependant pas partie <strong>de</strong> rien : d’une part la réflexion philosophique, d’autre part <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s<br />

révolutions scientifiques, lui donnent, sinon ses premières bases, du moins <strong>de</strong> quoi commencer à les<br />

concevoir : l’évolution <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> C. Darwin et l’exploration du système nerveux (M. Gauchet,<br />

1992). Toutes <strong>de</strong>ux participent à un profond bouleversement dans la représentation que l’homme se<br />

faisait jusqu’alors <strong>de</strong> lui-même : d’un être conscient et dont les comportements obéissent à sa<br />

volonté, ils ont fait basculer le 19 ième siècle dans la vision d’un sujet en partie animé par <strong>de</strong>s forces<br />

qui non seulement lui échappent, mais dont il ignore <strong>de</strong> surcroît en lui l’existence : les instincts, les<br />

mécanismes nerveux réflexes, la constitution héréditaire...<br />

La névrose <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> ce siècle (L. Crocq, 1990a), l’hystérie, est au cœur <strong>de</strong> cette aventure. Et si la<br />

fascination qu’elle exerce alors débor<strong>de</strong> <strong>de</strong> très loin le seul cadre <strong>de</strong> la folie, c’est qu’elle incarne<br />

jusqu’à son point le plus extrême la représentation <strong>de</strong> l’être humain comme désormais <strong>de</strong>ssaisi <strong>de</strong> sa<br />

conscience et <strong>de</strong> sa volonté : un être qui s’échappe à lui-même, à la fois multiple et dissocié. Mais<br />

que le paradigme <strong>de</strong> l’inconscient soit déjà ailleurs bien affirmé n’allège cependant pas l’ampleur <strong>de</strong><br />

la tâche : tout juste fournit-il <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> pensée, tout juste ouvre-t-il <strong>de</strong>s possibles ; mais il reste à<br />

concevoir et à formaliser pour ce qui concerne le psychisme humain, car si l’inconscient est <strong>de</strong>venu<br />

une catégorie générale <strong>de</strong> la pensée scientifique et philosophique, l’inconscient <strong>psychique</strong> reste,<br />

quant à lui, presque totalement à concevoir. Et dans cette aventure, la notion <strong>de</strong> traumatisme va<br />

s’en trouver radicalement revisitée et réélaborée.<br />

Ce sont <strong>de</strong>ux anciens élèves <strong>de</strong> Charcot qui les premiers s’aventureront dans cette voie :<br />

Pierre Janet et Sigmund Freud.<br />

Autant la place <strong>de</strong> Freud dans cette histoire semble incontournable -tout au long <strong>de</strong> son œuvre il ne<br />

cessera <strong>de</strong> revenir sur le traumatisme et en révisera profondément à plusieurs reprises la<br />

conceptualisation-, autant il peut sembler discutable d’en accor<strong>de</strong>r une à P. Janet dans la mesure où<br />

il ne fera que très tardivement usage du terme dans ses écrits et que celui-ci ne donnera pas lieu à<br />

une construction théorique particulière. Dans une conception générale qui n’a rapi<strong>de</strong>ment plus<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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