27.12.2013 Views

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

177<br />

suppose toujours une intention, consciente ou non, <strong>de</strong> tromper, même si c’est se tromper soi-même<br />

sur ce dont on souffre. L’émotion-choc et le débor<strong>de</strong>ment qu’elle peut provoquer du psychisme, est<br />

par contre susceptible d’abolir la volonté et l’on peut avoir peur et fuir les combats sans pour autant<br />

être lâche, c’est-à-dire en avoir eu l’intention. Il affirme ainsi :<br />

Néanmoins, la fréquence <strong>de</strong>s états mentaux francs, aigus et guérissables oblige les aliénistes les plus<br />

conservateurs à admettre l’importance <strong>de</strong> plus en plus gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>s causes occasionnelles, qui<br />

paraissent, dans nombre d’observations, être le seul facteur étiologique <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> l’esprit. 1<br />

Et il en conclut après un long argumentaire: « le poltron est différent du lâche » (p. 217).<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

C’est que le problème soulevé par les hystériques relevait certes <strong>de</strong> la psychiatrie, mais aussi<br />

et surtout <strong>de</strong> la gestion militaire <strong>de</strong>s effectifs : les seules données statistiques quant à l’importance<br />

<strong>de</strong>s « pertes <strong>psychique</strong>s » sont celles fournies par le corps expéditionnaire américain qui fait état <strong>de</strong><br />

28 pour mille soldats soignés pour troubles mentaux et 14 pour 1000 hospitalisés pour les mêmes<br />

causes sur un total <strong>de</strong> 2 500 000 hommes (L. Crocq, 2005). Cullerre (1918) fait lui état du chiffre<br />

d’aliénés <strong>de</strong> 1,1 p. 100 du total <strong>de</strong>s hospitalisés dans les hôpitaux militaires <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong>-Bretagne en<br />

mars 1917.<br />

Mais au moins autant que le nombre <strong>de</strong> soldats concernés, ce qui semble être source majeure <strong>de</strong><br />

problèmes est, d’une part l’effet négatif sur le reste du corps <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s soldats bénéficier d’un<br />

éloignement du front et <strong>de</strong> soins qui ne se justifiaient d’aucunes blessures, d’autre part<br />

l’impossibilité <strong>de</strong> trouver une solution durable à la désorganisation qu’entraîne la gestion <strong>de</strong> cette<br />

population 2 .<br />

Savoir quoi faire <strong>de</strong> ces militaires incapables <strong>de</strong> retourner au combat sera matière à débats tout au<br />

long <strong>de</strong> la guerre, et les « solutions » adoptées tiendront entre <strong>de</strong>ux extrêmes : le conseil <strong>de</strong> guerre<br />

et ce que J. Sutter dénomme élégamment, mais entre guillemets, les « <strong>psycho</strong>thérapies armées ».<br />

Celles-ci ne seront qu’appliquées aux hystériques, ou plus exactement à ceux considérés comme tels,<br />

les approches classiques basées sur le repos, la « désintoxication » et <strong>de</strong>s médications diverses<br />

restant <strong>de</strong>stinées aux états confusionnels, aux dépressifs et aux anxieux. C’est ainsi que différentes<br />

formes <strong>de</strong> traitements vont être expérimentées aux fins <strong>de</strong> rendre le plus rapi<strong>de</strong>ment aptes à<br />

combattre ces soldats récalcitrants.<br />

1 P. Voivenel, Sur la peur morbi<strong>de</strong> acquise, Annales médico-<strong>psycho</strong>logiques, N° 9, p. 286.<br />

2 Voir par exemple G ; Briole, B. Lafont : La bataille <strong>de</strong> l’hystérie pendant la guerre 1914-1918, Synapse, mars<br />

87, n°31, p.48-52 montrant les tensions entre les mé<strong>de</strong>cins au front et ceux <strong>de</strong> l’arrière, restés dans les hôpitaux<br />

tentant tous <strong>de</strong> se défaire <strong>de</strong> leur prise en charge en raison <strong>de</strong> l’embolisation <strong>de</strong>s lits que leur présence<br />

engendrait.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!