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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

dire, le feu était passé au vert, ça à duré qu’un instant mais<br />

moi j’ai l’impression que ça a duré une éternité… C’est tout<br />

juste si j’ai pu redémarrer et me garer plus loin. J’ai appelé<br />

mon mari qu’est venu tout <strong>de</strong> suite et on est allés porter<br />

plainte ensemble. J’ai appelé mon <strong>travail</strong> pour les prévenir,<br />

j’étais tellement mal que je suis allée chez mon mé<strong>de</strong>cin qui<br />

m’a arrêté trois jours…<br />

P : Donc vous avez porté plainte… Et pourquoi êtes-vous<br />

allée à l’association … ?<br />

Mme K : A la police, ils ont dû voir que j’avais besoin d’ai<strong>de</strong><br />

et y m’ont donné leur adresse…J’y suis allée pour savoir<br />

comment ça allait se passer ; je ne connais rien à la justice,<br />

c’est la première fois qu’il m’arrive un truc pareil (pleure à<br />

nouveau)…<br />

P : Donc pour revenir à ce qui vous est arrivé, si je<br />

comprends bien vous étiez tranquillement en train d’aller à<br />

votre <strong>travail</strong> quand une voiture vous a fait une queue <strong>de</strong><br />

poisson, vous avez klaxonné pour signifier au conducteur<br />

qu’il pourrait faire attention et lui, il a pas supporté ça et il<br />

est <strong>de</strong>venu agressif au point <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre <strong>de</strong> sa voiture et <strong>de</strong><br />

venir vous frapper…<br />

Mme K : Avant y m’a traitée <strong>de</strong> tous les noms, excusez-moi<br />

<strong>de</strong> garce, <strong>de</strong> salope, <strong>de</strong> pute… J’ai été tellement choquée que<br />

j’ai rien répondu, j’ai été soufflée, mais j’avais pas peur… A<br />

un moment j’ai ouvert ma vitre et c’est là que je lui ai dit <strong>de</strong><br />

pas exagérer et c’est là qu’il s’est mis à hurler qu’il en avait<br />

marre. Y continuait à dire <strong>de</strong>s choses puis il a brandi son<br />

poing, je me suis dit « il est pas bien il est complètement<br />

fou ! », et il a donné un coup <strong>de</strong> poing sur le rétro. Là j’ai été<br />

apeurée, je me suis sentie paralysée et c’est idiot, j’ai eu peur<br />

pour la voiture !<br />

P : Oui ?<br />

Mme K : Je me suis dit « y va me cabosser ma voiture ». J’y<br />

tiens à ma voiture, je viens <strong>de</strong> l’acheter… Et là y’a eu le<br />

<strong>de</strong>uxième coup <strong>de</strong> poing. J’ai eu le réflexe <strong>de</strong> me tourner<br />

comme ça (fait le geste) je sais pas comment j’ai fait, je l’ai<br />

vu arriver sur mon visage et j’ai eu le réflexe <strong>de</strong> me tourner<br />

si bien que son poing est arrivé sur mon épaule (pleure) …<br />

J’ai eu la sensation d’être coupée en <strong>de</strong>ux, j’étais vidée,<br />

j’avais plus rien, plus d’émotions, plus rien, c’est comme si<br />

on m’avait tout enlevé. J’comprenais pas…<br />

P : Vous avez ressenti comme une espèce <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> intérieur ?<br />

Mme K : Oui, d’un seul coup… Et ça a duré pendant à peu<br />

près <strong>de</strong>ux jours ! Je n’arrêtais pas <strong>de</strong> pleurer mais en même<br />

temps j’arrivais pas à ressentir les choses…<br />

P : Vous étiez comme une sorte d’automate ?<br />

Mme K : Oui, un peu… J’avais la sensation <strong>de</strong> ne pas<br />

m’appartenir, j’avais pas le contrôle <strong>de</strong> moi et je déteste ça,<br />

c’est extrêmement pénible à vivre…<br />

(…)<br />

P : Vous dites qu’il vous revient souvent <strong>de</strong>s images…<br />

543<br />

Mme K, un <strong>travail</strong> plus structuré et approfondi <strong>de</strong><br />

l’événement doit être tenté, à forme <strong>de</strong> débriefing, car<br />

malgré ces différentes ai<strong>de</strong>s Mme K reste toujours<br />

fixée <strong>de</strong> façon problématique à l’agression. L’image<br />

vient qu’il faut qu’elle se vi<strong>de</strong>.<br />

L’hypothèse est qu’un aspect <strong>de</strong> celle-ci est resté non<br />

verbalisé et est <strong>de</strong> ce fait responsable <strong>de</strong> cette fixation<br />

traumatique.<br />

Il s’agit d’une reformulation/synthèse qui introduit en<br />

outre implicitement, via une remarque sur les motifs<br />

possibles <strong>de</strong> l’agresseur et la restauration d’un<br />

enchaînement chronologique <strong>de</strong>s faits, la possibilité <strong>de</strong><br />

trouver une cohérence là où elle ne vit que <strong>de</strong><br />

l’incompréhensible et du <strong>de</strong>ssaisissement.<br />

L’invitation à reparler <strong>de</strong> l’événement sur ce mo<strong>de</strong><br />

l’amène à évoquer <strong>de</strong> nouveaux détails. <strong>Le</strong> récit est<br />

plus chronologiquement structuré. <strong>Le</strong>s émotions et les<br />

pensées commencent à être verbalisées spontanément<br />

au lieu d’être revécues, ce qui atteste d’un début <strong>de</strong><br />

prise <strong>de</strong> distance et, au-<strong>de</strong>là qu’il est possible et<br />

souhaitable d’aller plus loin dans l’exploration <strong>de</strong><br />

l’événement.<br />

Ceci est évocateur d’un vécu d’effroi généralement<br />

indiciel d’un moment d’effraction traumatique.<br />

Cela est confirmé par le développement immédiat d’un<br />

état <strong>de</strong> « dissociation péri-traumatique » qui durera<br />

<strong>de</strong>ux jours.<br />

Invitation à explorer plus avant et à expliciter ses<br />

éprouvés dans une proposition d’image signifiante dont<br />

elle se saisit en associant <strong>de</strong> nouveaux aspects <strong>de</strong> son<br />

vécu.<br />

Relance sur le même mo<strong>de</strong>.<br />

Elle semble parvenir à prendre une certaine distance<br />

par rapport à ses éprouvés mais sur un mo<strong>de</strong> critique<br />

empreint <strong>de</strong> culpabilité qui semble tout aussi<br />

problématique.<br />

Il était ici tentant <strong>de</strong> la questionner sur le terme <strong>de</strong><br />

« contrôle » mais c’eut été questionner les choses selon<br />

une position subjective la renvoyant à elle-même. La<br />

relance effectuée vise au contraire à poursuivre<br />

l’exploration <strong>de</strong> ses réactions, maintenant dans les<br />

suites immédiates <strong>de</strong> l’événement et toujours en<br />

relation à celui-ci.<br />

Poursuite <strong>de</strong> l’exploration par la recherche d’éventuels<br />

autres symptômes dans une visée d’appréciation <strong>de</strong><br />

l’ampleur <strong>de</strong>s conséquences <strong>psychique</strong>s (notamment<br />

l’ampleur du syndrome <strong>psycho</strong>traumatique) qui fait<br />

apparaître l’existence <strong>de</strong> cauchemars <strong>de</strong> répétition avec<br />

réveil dans un état <strong>de</strong> confusion.<br />

Relance l’incitant à décrire, c’est-à-dire à faire usage<br />

du langage pour lutter contre la « fascination<br />

horrifiée » qu’exerce sur elle cette scène, que l’on peut<br />

penser traumatique.<br />

I<strong>de</strong>m<br />

Elle parvient à contextualiser <strong>de</strong> façon <strong>de</strong> plus en plus<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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