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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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voient, au niveau <strong>de</strong>s jurispru<strong>de</strong>nces, sa responsabilité progressivement incomber au chef<br />

d’entreprise. Une décision <strong>de</strong> la Cour impériale <strong>de</strong> Lyon datant du 13 décembre 1854 en offre un<br />

exemple significatif : « (cette obligation) exige du patron non seulement <strong>de</strong> sérieuses précautions<br />

pour écarter ou réduire le risque du <strong>travail</strong>, mais encore toutes les précautions compatibles avec les<br />

nécessités <strong>de</strong> son industrie. » (F. Ewald, p. 195)<br />

Dans cette évolution, un arrêté fait date, l’arrêt Cames du Conseil d’Etat du 21 juin 1895, qui<br />

reconnaît pour la première fois droit à in<strong>de</strong>mnisation à un ouvrier <strong>de</strong> l’arsenal <strong>de</strong> Tarbes, propriété<br />

<strong>de</strong> l’Etat, <strong>victime</strong> d’un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>travail</strong> ayant entrainé une blessure dont l’origine était un éclat <strong>de</strong><br />

métal projeté sous le choc d’un marteau-pilon ; acci<strong>de</strong>nt banal survenu sans qu’aucune faute n’ait<br />

été commise, ni <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’ouvrier, ni <strong>de</strong> l’Etat. La décision stipulait :<br />

C’est le service public qui embauche, qui fournit les matières, qui installe les machines, qui règle les<br />

conditions <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong> l’atelier ; si un acci<strong>de</strong>nt se produit dans le <strong>travail</strong>, et s’il n’y a pas<br />

faute <strong>de</strong> l’ouvrier, le service public est responsable et doit in<strong>de</strong>mniser la <strong>victime</strong>. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Ce principe qui, pour un temps, ne valut que pour le service public, va s’étendre, non sans vifs<br />

débats, à l’ensemble <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>travail</strong> avec la loi du 9 avril 1898, qui consacre la responsabilité<br />

sans faute <strong>de</strong> l’employeur en la matière.<br />

La loi du 9 avril 1898 sur les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>travail</strong> proposait une toute nouvelle manière <strong>de</strong> gérer les<br />

rapports <strong>de</strong> causalité-responsabilité. D’un côté, elle inscrivait l’acci<strong>de</strong>nt dans une causalité objective,<br />

où la conduite <strong>de</strong> l’ouvrier se trouvait objectivée comme élément du processus <strong>de</strong> production dont il<br />

dépend. Causalité purement matérielle qui, par là même, ne pouvait plus laisser place à la subjectivité<br />

d’une faute. Et, d’un autre côté, la loi instituait un droit à réparation indépendant <strong>de</strong> ces relations <strong>de</strong><br />

causalité, articulé sur une notion renouvelée <strong>de</strong> la relation <strong>de</strong> <strong>travail</strong>. <strong>Le</strong> risque professionnel, en effet,<br />

relève bien plus d’un droit contractuel que d’un droit délictuel : il suppose que l’on conçoive un<br />

rapport <strong>de</strong> « solidarité » <strong>de</strong>s patrons et <strong>de</strong>s ouvriers, au sein du tout constitué par l’entreprise, et, en<br />

fonction <strong>de</strong> cette relation, la distribution respective <strong>de</strong>s profits et <strong>de</strong>s charges. 2<br />

La loi cependant représente un compromis entre les droits <strong>de</strong>s ouvriers et les intérêts <strong>de</strong> l’industrie,<br />

car si d’un côté le principe <strong>de</strong> responsabilité automatique <strong>de</strong> l’employeur est adopté, y compris dans<br />

les cas d’acci<strong>de</strong>nts imprévisibles et même <strong>de</strong> faute <strong>de</strong> l’ouvrier, <strong>de</strong> l’autre coté le montant <strong>de</strong>s<br />

in<strong>de</strong>mnités sera forfaitaire et calculé à partir du taux d’incapacité et du salaire. De plus, il <strong>de</strong>viendra<br />

impossible, sauf cas <strong>de</strong> faute inexcusable ou intentionnelle <strong>de</strong> l’employeur, d’intenter une<br />

quelconque action en justice contre ce <strong>de</strong>rnier.<br />

Ceci conduira en 1946 à la création <strong>de</strong> la sécurité sociale qui fera disparaître le lien entre salariés et<br />

employeurs puisqu’elle se substituera à ces <strong>de</strong>rniers pour gérer et verser les in<strong>de</strong>mnisations sur le<br />

fond constitué par leur cotisation à la branche acci<strong>de</strong>nts du <strong>travail</strong>/maladies professionnelles.<br />

1 Conclusions Romieu-Sirey, 1897, p. 33, cité par F. Ewald.<br />

2 F. Ewald, op. cit., p. 349-50.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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