27.12.2013 Views

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

345<br />

Car ce qui frappe, au moins chez <strong>de</strong>s auteurs d’ouvrages comme S. Tisseron (1992), D. Scotto di<br />

Vettimo (2006), A. Ciccone et A. Ferrant (2009)… et, dans un autre registre, V. De Gaulejac (1996), ou<br />

encore d’articles comme celui <strong>de</strong> G. Briole (1998) ou <strong>de</strong> M. Selz (2006) pour ne citer que ceux-là, est<br />

la perspective essentiellement clinique dans laquelle ils se situent, suivant laquelle ils s’efforcent<br />

d’appréhen<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> décrire <strong>de</strong>s registres d’expérience, <strong>de</strong>s configurations cliniques, <strong>de</strong>s parcours <strong>de</strong><br />

vie, etc., dont ni l’angoisse ni la culpabilité ne sont à même <strong>de</strong> restituer les particularités.<br />

Evoquons brièvement le champ clinique <strong>de</strong> la honte tel qu’il se présente chez ces auteurs. Deux<br />

grands axes en ressortent :<br />

- celui <strong>de</strong>s expériences traumatiques et <strong>de</strong> leurs retombées : inceste familial, traumatisme sexuel,<br />

exil chez Scotto di Vettimo ; survivance <strong>de</strong>s camps, torture, violences familiales chez Tisseron;<br />

inceste et incestualité, traumatismes chez Ciccone et Ferrant, etc.<br />

- celui <strong>de</strong>s humiliations sociales et <strong>de</strong> l’exclusion : illégitimité, rejet, déchéance, exclusion chez De<br />

Gaulejac ; handicap et maladie chez Ciccone et Ferrant ; secrets familiaux chez Tisseron, etc.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Quelle que soit la thématique abordée, clinique du traumatisme ou clinique <strong>de</strong> l’exclusion, elle<br />

renvoie toujours à une expérience extrême <strong>de</strong> relation à autrui : dans le premier cas l’autre est en<br />

nous, et nous en sommes <strong>de</strong>venus perméables, dans le second, la distance est telle que nous<br />

sommes perdus à l’autre, faute, <strong>de</strong> pouvoir encore le rencontrer : à l’être exilé <strong>de</strong> lui-même fait<br />

pendant un être exclu <strong>de</strong> sa communauté. C’est cet ensemble apparemment protéiforme, que l’on se<br />

gar<strong>de</strong>ra d’assimiler prématurément au champ <strong>de</strong>s états limites, qui semble constituer le fond<br />

clinique justifiant leur recours à la notion honte, dans une acception plus clinique et<br />

phénoménologique que méta<strong>psycho</strong>logique, ainsi que dans sa mise en parallèle et en contraste avec<br />

la culpabilité, comme si le champ clinique que cette <strong>de</strong>rnière occupait <strong>de</strong>vait être dédoublé en honte<br />

et culpabilité pour pouvoir rendre compte <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s données cliniques.<br />

La dimension d’altérité <strong>de</strong>s expériences <strong>de</strong> honte<br />

Qu’appréhen<strong>de</strong> donc la honte que ne saurait le faire la culpabilité ? C’est à J.-P. Sartre (1943),<br />

dans L’être et le néant, que l’on doit la démonstration que toute expérience <strong>de</strong> honte est une<br />

certaine expérience d’autrui, quand bien même il est intériorisé : « la honte dans sa structure<br />

première est honte <strong>de</strong>vant quelqu’un » (p. 265) Il ajoute :<br />

Je viens <strong>de</strong> faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le<br />

vis simplement, je le réalise sur le mo<strong>de</strong> du pour-soi. Mais voici tout à coup que je lève la tête :<br />

quelqu’un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité <strong>de</strong> mon geste et j’ai honte. Il est<br />

certain que ma honte n’est pas réflexive, car la présence d’autrui à ma conscience, fût-ce à la manière<br />

d’un catalyseur, est incompatible avec l’attitu<strong>de</strong> réflexive : dans le champ <strong>de</strong> ma réflexion je ne puis<br />

jamais rencontrer que la conscience qui est mienne.. Or autrui est le médiateur entre moi et moimême<br />

: j’ai honte <strong>de</strong> moi tel que j’apparais à autrui… La honte est, par nature, reconnaissance. Je<br />

reconnais que je suis comme autrui me voit. 1<br />

1 J.-P. Sartre (1943), p. 266.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!