27.12.2013 Views

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

378<br />

L'on ne peut mieux illustrer à quel point cela peut faire problème que ne l'a fait J. <strong>Le</strong>yrie 1 citant les<br />

propos d'une femme qui avait perdu sa sœur, tuée à ses côtés dans un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la route, en<br />

réponse à la question du montant <strong>de</strong> l'in<strong>de</strong>mnisation qu'elle <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r en réparation : "Un<br />

franc symbolique ou une somme sans limite. Recevoir <strong>de</strong> l'argent sur le cadavre <strong>de</strong> ma sœur…,<br />

jamais !"<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Mais en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> cette comptabilité, il s’agit pour la <strong>victime</strong> d’entrer dans un échange, <strong>de</strong><br />

rétablir ou non l’auteur comme interlocuteur : accepter l’in<strong>de</strong>mnisation c’est accepter <strong>de</strong> négocier<br />

donc d’échanger sur <strong>de</strong>s valeurs, sur <strong>de</strong>s coûts et <strong>de</strong>s contreparties. Dans ce dialogue, ce que l’un<br />

gagne ou perd n’a pas le même prix pour l’autre. D’où, nous le verrons plus loin, une possible crise<br />

<strong>de</strong>s valeurs internes du victimé, interpellé sur le prix pour lui <strong>de</strong> ce qu’il a perdu ainsi <strong>de</strong> la<br />

contrepartie qu’il doit en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, et accepter.<br />

En outre, toute acception d’une contrepartie au préjudice subi va, <strong>de</strong> facto, exonérer l’auteur <strong>de</strong> sa<br />

<strong>de</strong>tte et le restaurer comme pair, égal. L’acceptation <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>mnisation signe le renoncement à tout<br />

contentieux ultérieur et vaut comme sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> tout compte. <strong>Le</strong> victimé peut certes en escompter <strong>de</strong><br />

ne plus être lui-même en<strong>de</strong>tté par la <strong>de</strong>tte <strong>de</strong> l’auteur, car tant que le contentieux n’est pas réglé, il<br />

reste lié à lui. Mais il ne sera jamais assuré que ce n’était pas un marché <strong>de</strong> dupes et que ce qu’il a<br />

obtenu a effectivement valeur d’in<strong>de</strong>mnisation, c’est-à-dire le soulagera d’au moins une partie du<br />

préjudice subi : il s’en trouvera, peut-être, dégagé <strong>de</strong> l’auteur, mais moins certainement <strong>de</strong>s<br />

dommages qu’il a laissés en lui.<br />

2.3.3.4. La condamnation<br />

Qu’en est-il pour le victimé <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la condamnation et quels problèmes soulève-telle<br />

en lui ? Ils sont également <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ordres :<br />

- renoncer à faire <strong>de</strong> la condamnation un équivalent <strong>de</strong> la souffrance née <strong>de</strong> la haine que l’agresseur<br />

a fait émerger en lui. C’est la haine qui sous-tend les exigences <strong>de</strong> sanctions équivalentes aux torts<br />

subis : une souffrance contre une souffrance. Et c’est là que se pose le problème <strong>de</strong> la vengeance :<br />

la haine génère <strong>de</strong> la haine et le victimé ne le sait que trop bien puisqu’il en fait lui-même<br />

l’expérience douloureuse et envahissante, d’où cette crainte très souvent exprimée que l’agresseur<br />

ne revienne se venger, une fois sa peine purgée, comme si sa peine pouvait n’avoir aucun effet sur<br />

lui, sinon même alimenter la sienne. Il s’agit donc que le victimé reconnaisse en lui ses désirs <strong>de</strong><br />

vengeance, et qu’il y renonce : qu’il admette qu’il ne doit pas être concerné par la condamnation,<br />

car la peine se veut alternative à la Loi du Talion, ou supposée telle. Et même ce que l’on dénomme<br />

ainsi, résumé par la formule « œil pour œil, <strong>de</strong>nt pour <strong>de</strong>nt », suppose déjà, quoiqu’en disent<br />

certaines interprétations trop superficielles, un principe <strong>de</strong> conversion puisque la notion <strong>de</strong><br />

vengeance implique déjà, <strong>de</strong> fait, une limite à ne pas dépasser : rendre coup pour coup suppose à<br />

1 J. <strong>Le</strong>yrie : La réparation. De l'ambiguïté <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>victime</strong>s et du système d'in<strong>de</strong>mnisation. Perspectives Psy, vol.<br />

35, no 5, déc.1996, pp. 377-384.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!