27.12.2013 Views

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

526<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Melle Y : …vous en parler ?<br />

P : Me raconter comment ça s'est passé ?<br />

Melle Y : Oui, oui bien sur. Par où commencer ?...<br />

Premièrement j'habite à la campagne avec mes parents, on a<br />

une gran<strong>de</strong> et belle maison… C'était un mardi, donc je sortais<br />

<strong>de</strong>s cours j'étais en première. Je me rappelle que l'heure d'avant<br />

j'avais été chez mon copain et que je <strong>de</strong>vais rester une heure <strong>de</strong><br />

plus mais que finalement je ne sais plus pourquoi, je ne suis pas<br />

restée … Dommage… Donc j'ai pris le bus mais l'arrêt <strong>de</strong> bus<br />

le plus proche <strong>de</strong> ma maison est à un kilomètre c'est pas loin.<br />

Donc voilà, et en fait c'était dans la pério<strong>de</strong> où mon papa a fait<br />

une croisière atlantique en bateau, il a traversé l'Atlantique. Et<br />

donc en fait il a été absent pendant trois mois et ma maman<br />

donc, le jour où j'ai eu mon acci<strong>de</strong>nt, prenait l'avion le matin<br />

pour le rejoindre parce qu'il venait d'arriver à terre. Donc j'étais<br />

sous la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> mon grand-père. Mon grand-père, il n'a pas pu<br />

venir me chercher à l'arrêt <strong>de</strong> bus. Donc, du coup j'ai<br />

commencé à rentrer à pied, j'étais du côté <strong>de</strong> la route où les<br />

voitures arrivent en face, mais le problème c'est que je n’étais<br />

pas voyante du tout. En fait les voitures ne me voyaient pas du<br />

tout, elles déviaient au <strong>de</strong>rnier moment, et je me prenais <strong>de</strong>s<br />

klaxons, <strong>de</strong>s appels <strong>de</strong> phares, enfin c'était horrible. J’ai voulu<br />

traverser mais au moment <strong>de</strong> traverser, j'ai vu un tracteur au<br />

loin, je me suis dit que c'était bon, qu'il bloquait les voitures,<br />

donc j'ai traversé la route donc je marchais, marchais et j'ai<br />

entendu le tracteur se rapprocher, mais <strong>de</strong> dos, et j'étais<br />

persuadée qu'il m'avait vue, comme il roulait, je sais pas, à<br />

30km/h., il avait <strong>de</strong>s phares en plus. Donc pour moi il m'avait<br />

vue... En fait ça m'a percuté dans le dos et donc du coup, je suis<br />

tombée par terre et j'ai fait le tour <strong>de</strong> la roue et je me suis<br />

retrouvée envoyée dans le fossé. Premier réflexe, je ne suis<br />

même pas tombée dans les pommes je voyais ma chaussure qui<br />

était en plein milieu <strong>de</strong> l'autre coté. J'ai pas trop compris et<br />

donc en fait je me suis relevée enfin j'ai essayé <strong>de</strong> me relever.<br />

Premier réflexe, j'ai mal donc j'ai crié très fort et en fait une<br />

auto-école qui est passée, m'a entendue et qui donc s'est arrêtée<br />

donc la dame <strong>de</strong> l'auto-école est venue et le tracteur ne s'était<br />

pas encore arrêté je crois... <strong>Le</strong> conducteur était un monsieur<br />

très âgé, il <strong>de</strong>vait presque avoir 80 ans, pas très ouvert d'esprit<br />

si je peux me permettre, et donc la dame <strong>de</strong> l'auto-école est<br />

sortie, je me rappelle j'avais très froid au pied j'avais mal mais<br />

surtout tout froid, mais la dame était adorable elle a mis tous<br />

ses vêtements sur mes pieds et sur moi elle m’a regardé et je lui<br />

avais dit « ça va je vais m'en remettre » et elle ne m'a pas<br />

répondu donc j'ai commencé à avoir un peu peur comme j'étais<br />

dans le fossé j'étais un peu bancale et j'avais mon sac sous le<br />

dos donc je ne voyais pas ce qui se passait au niveaux <strong>de</strong> mes<br />

pieds . Donc voilà, après il y a le tracteur qui s'est arrêté 100<br />

mètres plus loin, il est venu s'est approché vers moi et m'a<br />

<strong>de</strong>mandé « ils sont où tes bleus ? ». Donc je crois que je me<br />

suis énervée dans mes souvenirs après c'est un peu flou parce<br />

que j'étais un peu sous le choc […]<br />

Elle a appelés les pompiers, les pompiers sont arrivés ils ont<br />

appelé le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l'hôpital parce qu'il ne pouvait rien faire,<br />

ils n'étaient pas en capacité <strong>de</strong> faire quoi que ce soit pour la<br />

gravité, je pense qu'ils n'étaient pas qualifiés, donc j'ai passé<br />

environ 45 minutes au bord <strong>de</strong> la route jusqu'à ce que le<br />

mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l'assurance, enfin non pardon <strong>de</strong>s urgences arrivent.<br />

Donc il a vu mon pied et là, je m'en souviens je ne crois pas<br />

être tombée dans les pommes, mais je me rappelle avoir très,<br />

très, très mal et <strong>de</strong> dire n'importe quoi, je me rappelle j'avais un<br />

S’en saisit.<br />

Son ton très labile et son récit au plus près <strong>de</strong><br />

tous les détails <strong>de</strong> l’événement montent une<br />

proximité émotionnelle toujours très gran<strong>de</strong> à<br />

l’événement et à ses suites.<br />

Elle semble plus se dévi<strong>de</strong>r qu’autre chose…<br />

La narration reste malgré tout structurée,<br />

chronologiquement et spatialement ordonnée.<br />

Elle fait état d’une suite impressionnante<br />

d’éléments à tout le moins « sidérants » dans<br />

leur contenu et dans leur multiplicité.<br />

Mais elle ne manifeste pas d’émotions<br />

intenses durant son récit, bien qu’elle fasse<br />

état <strong>de</strong> vécus <strong>de</strong> choc et <strong>de</strong> sidération à<br />

plusieurs reprises.<br />

L’on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> jusqu’à quel point elle<br />

n’est pas en état <strong>de</strong> « dissociation » et jusqu’à<br />

quel point tout cela ne luis semble pas<br />

encore, <strong>de</strong>ux ans après, toujours aussi irréel.<br />

La pise en charge médicale, ou du moins la<br />

façon dont elle l’a vécue, est colorée <strong>de</strong> la<br />

même irréalité.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!