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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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reconstitution <strong>de</strong>s faits : ce récit cherche à atteindre à une représentation commune, partageable (au<br />

moins avec le praticien si le débriefing est individuel et avec le groupe s’il est collectif), mais qui<br />

autorise en même temps toutes les versions et éprouvés singuliers. Cependant ceux-ci doivent<br />

participer, en même temps qu’ils la constituent et l’alimentent, à cette version commune ou plus<br />

exactement, partageable.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

C’est à ce point <strong>de</strong> la réflexion sur le débriefing qu’une autre pratique du récit offre une<br />

référence éclairante : les entretiens <strong>de</strong> témoignage.<br />

La pratique du témoignage a son histoire (R. Waintrater, 2003) et l’on en trouve les premières<br />

expressions mo<strong>de</strong>rnes chez les rescapés <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> 1914-1918. C’est « l’expérience<br />

concentrationnaire » (M. Pollack, 2000) <strong>de</strong>s camps d’extermination nazie et, après elle, <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />

entreprises génocidaires qu’a connu le 20 ième siècle 1 , qui susciteront le plus grand nombre d’écrits,<br />

notamment la « Shoah » 2 .<br />

Longtemps rejeté par une conception <strong>de</strong> l’histoire privilégiant exclusivement l’archive, le témoignage<br />

s’est vu accordé une place croissante comme source <strong>de</strong> connaissance historique précieuse à partir<br />

<strong>de</strong>s années 1980. Réalisé spontanément et <strong>de</strong> façon solitaire (particulièrement sous la forme<br />

d’écrits), il a donné lieu <strong>de</strong> façon <strong>de</strong> plus en plus courante à <strong>de</strong>s pratiques codifiées d’entretien<br />

menées par <strong>de</strong>s professionnels à <strong>de</strong>s fins d’abord <strong>de</strong> recherche historique. Ainsi Waintrater<br />

s’attache-t-elle a bien distinguer le témoignage <strong>de</strong> l’autobiographie :<br />

Prenons la définition <strong>de</strong> l’autobiographie. Selon <strong>Le</strong>jeune, c’est « un récit rétrospectif en prose qu’une<br />

personne réelle fait <strong>de</strong> sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie personnelle, en<br />

particulier l’histoire <strong>de</strong> sa personnalité. » <strong>Le</strong> témoignage répond à la première partie <strong>de</strong> cette<br />

définition ; il s’agit bien d’un récit rétrospectif, généralement en prose, effectué par une personne<br />

réelle à propos <strong>de</strong> sa propre existence. La <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> la proposition nécessite quelques<br />

ajustements, Dans le témoignage, en effet, l’accent n’est mis sur la vie individuelle du sujet que pour<br />

éclairer un propos plus général. Sa raison d’être rési<strong>de</strong> dans sa valeur <strong>de</strong> document, qui vient instruire<br />

une pério<strong>de</strong>, une activité ou, dans le cas qui nous intéresse, un événement extraordinaire qui fait du<br />

sujet un témoin par le fait d’y avoir été mêlé. 3<br />

Plus récemment encore, il a pu être utilisé dans le cadre <strong>de</strong> pratiques d’ai<strong>de</strong> aux survivants <strong>de</strong><br />

génoci<strong>de</strong>s, dans <strong>de</strong>s actions se voulant essentiellement restauratrices et/ou initiatrices <strong>de</strong> processus<br />

judiciaires :<br />

Il ne s’agit pas ici d’une simple remémoration mais d’un effort long et difficile <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> la <strong>victime</strong><br />

pour s’arracher à la déliaison <strong>psychique</strong> dans laquelle elle se trouve plongée, comme le rappelle Jean<br />

Gortais quand il affirme que l’évocation <strong>de</strong>s scènes traumatiques, loin d’être un « enfermement<br />

compulsif dans la factualité », a pour fonction <strong>de</strong> rouvrir la parole, en créant ainsi un « espace vital<br />

entre la <strong>victime</strong> et son agresseur. 4<br />

1 Rétroactivement le génoci<strong>de</strong> arménien, puis les exterminations <strong>de</strong> populations entières au Cambodge, au<br />

Rwanda, en ex-Yougoslavie…<br />

2 Nous mettons ce terme entre guillemets dans la mesure où il est aujourd’hui controversé (voir, Dupuy, Petite<br />

métaphysiques <strong>de</strong>s tsunamis).<br />

3 R Waintrater (2003), Sortir du génoci<strong>de</strong>, p. 24-25.<br />

4 R Waintrater, L’entretien <strong>de</strong> témoignage : un récit sous contrainte, p. 41.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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