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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Exemple n° 21<br />

431<br />

C’est une jeune femme qui a été <strong>victime</strong> <strong>de</strong> viol 15 jours auparavant. Elle reste focalisée<br />

sur le fait que l’agresseur lui a d’abord <strong>de</strong>mandé d’un ton suppliant <strong>de</strong> se laisser faire, ce<br />

qu’elle a refusé énergiquement à plusieurs reprises. Passant outre, il l’a violée. Elle se <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>puis plusieurs semaines si dans, son attitu<strong>de</strong>, elle n’a pas fait sans s’en rendre compte<br />

quelque chose qui aurait incité l’agresseur à croire qu’elle aurait pu être consentante ; et que<br />

celui-ci, frustré par ce refus qu’il n’attendait pas, aurait continué. Auquel cas elle est<br />

responsable « <strong>de</strong> l’avoir tenté ». Cet auto-reproche est d’autant plus fort et légitime, selon elle,<br />

que le viol s’est déroulé sur le parking d’un dancing, qu’elle était alcoolisée et qu’elle a dans cet<br />

état <strong>de</strong>s comportements qu’elle décrit comme exubérants et séducteurs. Elle précise<br />

néanmoins avec insistance que les habitués et les employés du dancing la connaissent bien et<br />

n’y voient pas provocation sexuelle <strong>de</strong> sa part ; mais que l’agresseur, n’étant pas un familier<br />

<strong>de</strong>s lieux, a pu mal interpréter son attitu<strong>de</strong>. Celui-ci, du fait <strong>de</strong> son comportement à elle, a pu<br />

croire qu’il pourrait avoir facilement une relation sexuelle avec elle et, face à son refus, en<br />

aurait été tellement frustré qu’il l’aurait forcée. En outre, elle se souvient avoir dit non à<br />

plusieurs reprises, mais sans doute pas assez fort pour alerter quelqu’un puisque personne<br />

n’est venu la secourir.<br />

Voici comment elle présente les choses lors du premier entretien 1 :<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

- <strong>Le</strong> week-end <strong>de</strong>rnier, je suis allée en discothèque J’avais bu<br />

<strong>de</strong> l’alcool, ça se passait super bien. L’après midi j’avais<br />

rencontré quelqu’un, mais il était pas libre… En sortant <strong>de</strong><br />

discothèque je me suis faite violer par un mec… J’ai voulu voir<br />

personne pendant 3 jours […]<br />

P : Vous êtes restée enfermée chez vous comme ça ?<br />

- Je voulais pas sortir…<br />

P : Pourquoi vous ne vouliez pas sortir, vous aviez peur ?<br />

- J’avais peur <strong>de</strong> croiser <strong>de</strong>s gens…<br />

P : Et vous avez déposé plainte, c’est ça ?<br />

- En fait j’ai déposé plainte le dimanche matin C’est une amie<br />

qui m’a poussée à le faire, moi je voulais pas trop… […]<br />

… Déjà le lundi, le patron <strong>de</strong> la discothèque, y m’avait<br />

téléphoné… « Allo y m’fait, ouais euh… j’ai été contacté par la<br />

gendarmerie et je venais aux nouvelles »… Au début j’ai cru<br />

qu’il s’inquiétait pour moi…Y m’dit « C’est toi qu’a porté<br />

plainte ? Tu te rends compte <strong>de</strong> c’que ça peut faire, le mec y<br />

peut prendre 15 ans <strong>de</strong> prison !»… J’ai raccroché et j’ai appelé<br />

la gendarmerie, j’en avais besoin ! Y m’a dit aussi « T’as vu<br />

comment t’étais en boite quand tu montais sur le bar ? », et que<br />

j’l’avais bien cherché, qu’y fallait bien que ça arrive……<br />

Dimanche j’ai pas été bien, cette nuit j’ai fait plein <strong>de</strong><br />

cauchemars au sujet <strong>de</strong> tous mes ex copains… Dans un <strong>de</strong>s<br />

cauchemars, j’sais pas si c’est moi qui coupais le sexe d’un <strong>de</strong><br />

mes ex……<br />

P : Au fond <strong>de</strong> vous, comment vous avez pris ces remarques ?<br />

Exemple caractéristique <strong>de</strong> certaines<br />

réactions auxquelles sont exposés nombre <strong>de</strong><br />

victimés, à savoir un déplacement par<br />

l’entourage <strong>de</strong> ce qui constitue l’événement<br />

et le désordre qu’il engendre : non pas<br />

l’agression mais le dépôt <strong>de</strong> plainte, dans un<br />

processus <strong>de</strong> responsabilisation du plaignant,<br />

au nom d’une autre « loi », celle du silence.<br />

Il est significatif qu’elle évoque d’abord cet<br />

aspect <strong>de</strong> la situation où se trouve d’emblée<br />

évoqué ce que l’on doit imaginer lui poser<br />

problème : son implication. Cela a-t-il un<br />

sens <strong>de</strong> déposer plainte si l’on se considère<br />

soi-même responsable ?<br />

La question vise à explorer plus avant cette<br />

1 Nous reviendrons en détails sur les procédures d’entretien dans le chapitre 4 <strong>de</strong> cette partie.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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