27.12.2013 Views

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

512<br />

Melle S : J’ai beaucoup repensé au procès…<br />

P : Oui ? L’autre fois vous avez laissé entendre que vous<br />

n’étiez pas vraiment satisfaite du jugement…<br />

Melle S : Y’a plein <strong>de</strong> choses qu’ont pas été dites… Quand<br />

j’y pense, c’est rien ce qui a été jugé… Toute mon enfance je<br />

me suis fait rabaisser, insulter par tout le mon<strong>de</strong>…<br />

P : Insulter ? Quel genre d’insultes ?<br />

Melle S : Euh… je me faisais traiter <strong>de</strong> grosse vache, <strong>de</strong><br />

grosse pute !<br />

Se saisit <strong>de</strong> la consigne.<br />

Reformulation empathique encourageant à<br />

poursuivre sur ce thème.<br />

Elle se saisit <strong>de</strong> la proposition.<br />

Il s’agit, par cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> précision qui<br />

peut paraître « superflue » voire teintée <strong>de</strong><br />

voyeurisme, <strong>de</strong> lui signifier qu’il est possible<br />

d’évoquer ce qu’elle a vécu sans gène pour le<br />

thérapeute.<br />

L’ironie <strong>de</strong> la remarque peut sembler hors <strong>de</strong><br />

propos, et notamment une atteinte au principe<br />

<strong>de</strong> neutralité. Elle vise implicitement à soutenir<br />

la patiente dans sa tentative <strong>de</strong> se positionner en<br />

victimée c’est-à-dire ici comme ayant fait,<br />

enfant, l’objet <strong>de</strong> comportements inacceptables.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

P : C’est agréable ! Qui vous insultait comme ça ?<br />

Melle S : Mon père tout le temps, mon frère un peu, au<br />

collège c’était la cata, mes grands-parents aussi, toute la<br />

famille du côté <strong>de</strong> mon père… Y fallait quelqu’un et c’est<br />

tombé sur moi…<br />

P : Comment ça, y fallait quelqu’un ?<br />

Melle S : On était trois enfants et j’étais au milieu. Ca<br />

marchait pas avec mon frère : il était plus grand et il se<br />

laissait pas faire, dès fois y s’défendait même à coups <strong>de</strong><br />

couteau, et ma sœur, elle était trop jeune…Y restait plus que<br />

moi…<br />

P : Et toute votre enfance ça a été comme ça ?<br />

Melle S : Jusqu’à mes dix ans j’adorais mon père et du jour<br />

au len<strong>de</strong>main je l’ai haï et comme j’étais sa petite<br />

chouchoute, après y s’est vengé…<br />

Il s’agit d’une intervention normative. Quant au<br />

ton adopté, il correspond à un ajustement au ton<br />

qu’elle tente d’adopter (sans doute par gêne)<br />

quelque peu distancié et ironique.<br />

Est invitée à poursuivre l’exploration <strong>de</strong> son<br />

contexte familial <strong>de</strong> vie dans son enfance. La<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> précision a non seulement pour<br />

visée <strong>de</strong> l’inciter à poursuivre mais aussi<br />

implicitement à la soutenir en lui signifiant<br />

qu’elle est suivie pas à pas dans son récit.<br />

Mentionne en outre qu’elle a été mise<br />

jusqu’alors en position <strong>de</strong> « préférée ». Une<br />

hypothèse serait que la mise en position <strong>de</strong><br />

« bouc émissaire » est une stratégie qui a<br />

permis d’instaurer <strong>de</strong>s normes<br />

comportementales quotidiennes rendant<br />

possibles les agressions sexuelles.<br />

P : Y s’est passé quelque chose pour qu’il vous haïsse<br />

comme ça d’un seul coup ?<br />

Melle S. : Avant j’pensais que c’était ma mère et mon frère<br />

qui étaient méchants avec lui. Et un jour j’suis rentrée <strong>de</strong><br />

l’école plus tôt que prévu et j’l’ai vu complément soul sur les<br />

toilettes. Quand y m’a entendu il a relevé la tête et là j’ai<br />

compris que c’était lui qu’était mauvais et pas ma mère. Il<br />

avait une tête horrible, il était bourré, je l’avais jamais vu<br />

comme ça et il a vu que j’avais compris… Après ça a été<br />

l’horreur …<br />

A évoqué un « avant » et un « après », d’où la<br />

question : que s’est-il passé ?<br />

La scène est décrite avec un tel réalisme, et a<br />

pour le praticien quelque chose sur le moment<br />

<strong>de</strong> totalement sidérant, qu’elle laisse à penser à<br />

une scène traumatique.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!