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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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La responsabilité <strong>de</strong> l’Etat va également connaître une révision profon<strong>de</strong>. Durant tout le<br />

19 ième siècle, la notion <strong>de</strong> risque est inapplicable à l’Etat, au nom <strong>de</strong> sa souveraineté : il s’impose à<br />

tous comme puissance publique sans compensation. L’année 1895, avec l’arrêt Cames et la loi du 8<br />

juin reconnaissant aux <strong>victime</strong>s d’erreurs judiciaires le droit d’entamer une action en dommages et<br />

intérêts contre l’Etat, a commencé <strong>de</strong> mettre en cause cette puissance et le début du 20 ième siècle<br />

consacrera cette tendance.<br />

Mais bientôt, on n’aurait plus besoin du recours à la notion d’acci<strong>de</strong>nt pour penser la responsabilité <strong>de</strong><br />

l’Etat et l’asseoir sur la notion <strong>de</strong> risque. Avec les premières lois d’assurance sociale, une notion<br />

nouvelle du contrat social se faisait jour. La problématique <strong>de</strong> la responsabilité se déplaçait<br />

sensiblement d’un axe délictuel à un axe contractuel. La question du fait générateur <strong>de</strong> responsabilité<br />

cédait <strong>de</strong>vant la volonté <strong>de</strong> penser la solidarité <strong>de</strong>s activités et une juste répartition <strong>de</strong> la charge <strong>de</strong>s<br />

dommages qu’elles pourraient occasionner. Conversion évi<strong>de</strong>mment favorable à l’extension <strong>de</strong> la<br />

responsabilité <strong>de</strong> l’Etat. L’Etat agit en vue du bien commun ; il engagerait sa responsabilité dès lors<br />

que ses interventions causeraient un préjudice anormal ou excessif à certains citoyens, dès lors que la<br />

charge du service public serait par trop inégalement répartie. <strong>Le</strong>s notions <strong>de</strong> risque et <strong>de</strong> répartition<br />

<strong>de</strong>s risques <strong>de</strong>vaient servir à penser cette nouvelle pratique <strong>de</strong> la responsabilité. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Plusieurs situations relevant <strong>de</strong> domaines très différents convergent à cette époque vers ce principe<br />

d’une responsabilité sans faute, au sens pénal du terme, à laquelle se substitue celle <strong>de</strong> risque<br />

attaché au social.<br />

C’est cette nouvelle doctrine que le Conseil d’Etat adopte dans l’affaire <strong>de</strong> l’explosion d’un dépôt<br />

militaire d’armes et d’explosifs au fort <strong>de</strong> la Double-Couronne le 7 mars 1907. L’explosion est<br />

responsable <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> 14 soldats et 9 civils, <strong>de</strong> 81 blessés ainsi que <strong>de</strong> nombreux dégâts<br />

matériels notamment <strong>de</strong>s immeubles détruits. Des recours en vue d’in<strong>de</strong>mnisations furent déposés,<br />

auxquels le commissaire du gouvernement proposa au Conseil d’Etat <strong>de</strong> répondre favorablement en<br />

raison <strong>de</strong>s fautes commises par l’autorité militaire dans l’organisation du dépôt ; ce sera l’arrêt<br />

Regnault-Desroziers confirmé par l’arrêt Couietas le 30 novembre 1923. La nouveauté est que si le<br />

Conseil d’Etat répondit favorablement à ces recours, ce ne fut pas en raison d’une quelconque<br />

responsabilité <strong>de</strong> l’armée mais du risque anormal <strong>de</strong> voisinage engendré par une gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong><br />

matériel dangereux, dans <strong>de</strong> mauvaises conditions, à proximité d’habitations :<br />

Ces opérations effectuées dans <strong>de</strong>s conditions d’organisation sommaires, sous l’empire <strong>de</strong>s nécessités<br />

militaires, comportaient <strong>de</strong>s risques excédant <strong>de</strong> ceux qui résultent normalement du voisinage, et <strong>de</strong><br />

tels risques étaient <strong>de</strong> nature, en cas d’acci<strong>de</strong>nt survenu en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> tout fait <strong>de</strong> guerre, à engager,<br />

indépendamment <strong>de</strong> toute faute, la responsabilité <strong>de</strong> l’Etat. 2<br />

<strong>Le</strong> caractère dit acci<strong>de</strong>ntel d’un événement laissait encore place à un traitement pénal <strong>de</strong> ses<br />

conséquences en termes <strong>de</strong> responsabilité pour faute.<br />

La notion <strong>de</strong> risque, quant à elle, pose l’événement comme la conséquence naturelle toujours<br />

possible d’un certain état <strong>de</strong>s choses : l’acci<strong>de</strong>nt n’est plus acci<strong>de</strong>nt, c’est-à-dire une anomalie,<br />

1 F. Ewald, ibid., p. 336-37.<br />

2 Conseil d’Etat, 28 mars 1919, cité par F. Ewald, ibid., p. 337.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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