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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Exemple N°10<br />

403<br />

Ce semble être le cas <strong>de</strong> cette jeune femme. Deux ans après avoir été prise dans un<br />

carambolage routier meurtrier, elle s'adresse très déprimée à la consultation pour les motifs<br />

suivants : <strong>de</strong>s troubles persistants et problématiques qu'elle présente <strong>de</strong>puis lors, à savoir, en<br />

plus d'un état dépressif, une constipation chronique sévère qu'aucun traitement somatique n'est<br />

parvenu à atténuer. Bien qu'à <strong>de</strong> nombreuses reprises il lui ait été fortement conseillé<br />

d'entreprendre une telle démarche elle n'avait pu s'y résoudre, convaincue qu'aucune ai<strong>de</strong> ne<br />

pourrait lui être apportée. Elle dit n'être venue qu'en désespoir <strong>de</strong> cause et avec gran<strong>de</strong><br />

réticence. Il s’avère vite que la constipation chronique était une manifestation, parmi d’autres,<br />

mais la plus problématique, d’un syndrome <strong>de</strong> répétition dont elle parvint à reconstituer<br />

l’origine : en état <strong>de</strong> choc, elle a été prise en charge au Poste Médical Avancé, où ressentant un<br />

impérieux besoin d’uriner, elle urine du sang. Elle est transférée d’urgence en hélicoptère au<br />

service <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> l’hôpital le plus proche, où elle est gardée 24 heures dans un vécu <strong>de</strong><br />

mort imminente. Bien que rassurée et autorisée à rentrer chez elle, elle commence dès les<br />

semaines suivantes à souffrir <strong>de</strong> constipation, et pour cause : à chaque fois qu’elle doit aller aux<br />

toilettes, elle est dans la hantise <strong>de</strong> revoir du sang couler. Percevant bien qu’après <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong><br />

vaines prises en charges médicamenteuses elle en est toujours au même point, elle se résout à<br />

suivre le conseil <strong>de</strong> tenter une ai<strong>de</strong> <strong>psycho</strong>logique spécialisée.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Parfois, le motif <strong>de</strong> la rencontre peut être posé d’emblée ou presque, sous la forme <strong>de</strong><br />

questionnements très précis et dont la « crudité » peut désarçonner quelque peu le praticien non<br />

habitué : questions <strong>de</strong> <strong>victime</strong>s témoignant <strong>de</strong>s graves perplexités dans lesquelles elles peuvent être<br />

plongées <strong>de</strong>puis souvent très longtemps, interrogations ne sachant pas toujours trop comment se<br />

formuler tant elles sont encore empreintes <strong>de</strong> la sidération initiale et <strong>de</strong> la confusion durable qui s’en<br />

est suivie. En voici quelques situations illustratives.<br />

Exemple N°11<br />

Cette femme a 25 ans, est mariée et mère d’un enfant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans. Un jour, elle est invitée<br />

par une amie à une soirée à laquelle participe un homme qu’elle ne connaît pas, ami <strong>de</strong> sa<br />

copine. Elle est à cette époque amoureuse d’un garçon mais attend <strong>de</strong>puis plusieurs mois qu’il<br />

fasse les premiers pas, car les sentiments qu’elle éprouve à son égard semblent réciproques. La<br />

soirée, qui se finit « en boite », est « arrosée ». Elle rentre dormir chez sa copine qui l’installe sur<br />

le canapé. Quant à l’homme, il doit coucher par terre sur un matelas. Dès les lumières éteintes, il<br />

vient vers elle, <strong>de</strong>vient très entreprenant, elle résiste, lui dit non plusieurs fois, il la force, elle<br />

arrête <strong>de</strong> se défendre, un rapport sexuel a lieu. C’est sur la nature <strong>de</strong> celui-ci qu’elle s’interroge :<br />

est-ce un viol ? La question lui est bien évi<strong>de</strong>mment posée <strong>de</strong> savoir <strong>de</strong> qui lui fait se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

avec tant d’incertitu<strong>de</strong> si c’est bien un viol. Sa réponse, hésitante, incertaine, est qu’elle n’a pas<br />

vécu la chose comme tel (elle n’a pas souffert, elle a peut-être même ressenti du plaisir, elle n’a<br />

pas lutté), même si elle est absolument certaine qu’elle ne voulait pas <strong>de</strong> ce rapport et qu’il s’est<br />

déroulé sans son consentement. Comment est-ce possible, si c’est un viol, <strong>de</strong> ne pas l’avoir vécu<br />

comme elle imagine qu’elle l’aurait dû, c’est-à-dire dans la violence. L’échange qui suit fait<br />

finalement apparaître qu’il en a été ainsi parce qu’à un moment <strong>de</strong> l’agression, elle s’est réfugiée<br />

dans ses pensées et n’a à partir <strong>de</strong> là cessé d’imaginer que cela se déroulait avec le garçon dont<br />

elle était amoureuse et avec qui elle rêvait <strong>de</strong> faire l’amour. Mais l’entretien ne va pas s’arrêter<br />

sur ce point (nous verrons plus loin dans cette partie sur quels principes <strong>de</strong>s réponses peuvent<br />

être apportées à <strong>de</strong> tels questionnements), car elle aimerait parler d’autres « événements » qui<br />

la laissent également dans une gran<strong>de</strong> perplexité : le comportement <strong>de</strong> son cousin qui, à <strong>de</strong><br />

nombreuse reprises pendant les vacances scolaires qu’ils passaient ensemble chez leurs grandsparents,<br />

a « joué à <strong>de</strong>s jeux sexuels » avec elle ; il lui revient également parfois <strong>de</strong>s images<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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