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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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leur égard. D’où une question : que se passe-t-il quand nous cessons d’accor<strong>de</strong>r du prix à ce que nous<br />

imaginons être la souffrance du <strong>de</strong>uil que <strong>de</strong>vront faire <strong>de</strong> nous nos proches ?<br />

326<br />

Mais ce n’est pas <strong>de</strong> se savoir mortel dont parle Freud lorsqu’il soutient qu’il n’en est pas <strong>de</strong><br />

représentation possible. Et ce n’est pas une affaire d’inconscient ou <strong>de</strong> croyance en notre<br />

immortalité : penser sa mort est proprement impossible, car cela supposerait encore une conscience,<br />

incompatible avec l’idée <strong>de</strong> mort elle-même. L’on peut se voir mourir, l’on peut voir ce qui la produit,<br />

la mort jamais. L’idée <strong>de</strong> « réel <strong>de</strong> la mort » est déjà en soi une aporie car le réel est ce qui résiste et<br />

donc a déjà une consistance ; la mort elle n’en a même pas puisqu’elle est abolition <strong>de</strong> notre<br />

conscience. Penser sa mort, c’est déjà y résister. C’est ce que relève J. Lagrée :<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

La philosophie a toujours en beaucoup <strong>de</strong> mal à penser la mort parce que la mort au sens propre n’est<br />

pas. D’où la formule d’Epicure « la mort n’est rien pour nous car quand elle est là nous ne sommes<br />

plus et lorsque nous sommes vivants elle n’est pas ».<br />

La mort est une limite entre l’état du mourant qui est encore vivant, agonisant c’est-à-dire luttant<br />

contre l’affaiblissement <strong>de</strong> sa vie et l’état <strong>de</strong> cadavre, déjà mort. Comme toute limite elle ne se laisse<br />

pas penser parce qu’elle est un néant entre <strong>de</strong>ux positivités […]<br />

On ne peut pas penser la mort puisque on ne peut pas penser le rien ou la limite entre l’être et le<br />

néant qui est encore <strong>de</strong> l’être. On peut anticiper, se représenter ce qui se passera après la mort ou la<br />

mort <strong>de</strong> l’autre mais dans ce cas là ce n’est pas la mort qu’on pense : on imagine une suite<br />

événementielle ou affective susceptible <strong>de</strong> se produire. On se représente, soi-même ou autrui comme<br />

mort mais on ne pense pas la mort. 1<br />

Telle est, schématiquement en 1915 la position <strong>de</strong> Freud à l’égard <strong>de</strong> la mort, Mais une autre<br />

conception <strong>de</strong> la mort va bientôt voir le jour, invitant à penser quelque peu différemment les<br />

rapports entre le trauma et la finitu<strong>de</strong>.<br />

L’on ne peut que s’étonner <strong>de</strong> l’intérêt que porte à partir <strong>de</strong> 1918 Freud à la névrose<br />

traumatique car son sort semblait avoir été définitivement réglé dès les préliminaires <strong>de</strong>s Etu<strong>de</strong>s sur<br />

l’hystérie où, dans le prolongement <strong>de</strong>s positions <strong>de</strong> Charcot, la place et l’intérêt <strong>de</strong> la notion s’y<br />

trouvaient réduits à n’être qu’une forme <strong>de</strong> déclanchement <strong>de</strong> la névrose hystérique.<br />

Analyser la construction freudienne <strong>de</strong> la névrose traumatique revient ainsi en même temps à<br />

s’interroger sur les motifs <strong>de</strong> sa résurgence à un moment <strong>de</strong> son parcours.<br />

L’on doit bien évi<strong>de</strong>mment invoquer les circonstances <strong>de</strong> guerre, en ce que, à travers les travaux <strong>de</strong><br />

Ferenczi, Abraham, Simmel, il ne peut qu’être sensible à la multiplication <strong>de</strong>s cas « d’hystérie » et à<br />

certaines <strong>de</strong> leurs caractéristiques cliniques. L’on notera que déjà Freud se montre bien plus pru<strong>de</strong>nt<br />

que ses jeunes collègues à adopter d’emblée la thèse <strong>de</strong> l’étiologie sexuelle. Il faut dire que<br />

l’observation d’impuissances fonctionnelles mise en avant par Ferenczi pour la justifier paraît<br />

quelque peu forcée, au regard notamment <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> guerre dont l’on peut penser qu’elle<br />

mobilise la libido à d’autres urgences que la satisfaction sexuelle, ce que relèvera d’ailleurs plus tard<br />

O. Fenichel.<br />

L’introduction au Congrès <strong>de</strong> Budapest montre comment Freud parvient, concernant les névroses <strong>de</strong><br />

guerre, à concilier la thèse <strong>de</strong> la névrose comme expression d‘un conflit <strong>psychique</strong> avec le rôle qu’il<br />

1 J. Lagrée (2011) : <strong>Le</strong>s philosophes et la mort, Journées d’étu<strong>de</strong> « Du droit à disposer <strong>de</strong> soi-même », Université<br />

<strong>de</strong> Rennes 2, 27et 28 mai 2011.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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