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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

<strong>de</strong> l’effroi, <strong>de</strong>s émotions violentes, rien en même temps ne permet <strong>de</strong> penser selon quelles modalités<br />

celles-ci peuvent agir sur les fonctions physiques normales. Il y a là un impensable sur lequel<br />

viennent buter ces les premières élaborations. Quant à l’œuvre <strong>de</strong> Charcot, elle n’a fait que<br />

complexifier le schéma étiologique originel, mais pas véritablement les prémices sur lesquels il<br />

s’édifiait, puisqu’il restait dans le cadre d’une pensée anatomo-pathologique en quête d’une lésion<br />

explicative. <strong>Le</strong> paradoxe du modèle hystéro-traumatique est que le traumatisme peut être<br />

indifféremment mécanique ou émotif et qu’il ne tient finalement qu’une place secondaire,<br />

uniquement déclenchante, dans l’apparition <strong>de</strong>s troubles par rapport à la diathèse sous-jacente dont<br />

il vient révéler l’existence.<br />

Il restait donc en quelque sorte une place vacante pour une théorie qui mette en exergue la<br />

dimension proprement émotionnelle/traumatique <strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nt, dont l’importance n’avait cessé<br />

d’être relevée par les auteurs. Il revient à Thomsen et Oppenheim en 1884, puis à Oppenheim seul,<br />

d’avoir su être les premiers proposer une thèse fondée sur <strong>de</strong>s positions antithétiques à celles <strong>de</strong><br />

Charcot en donnant une place centrale au traumatisme émotionnel. Mais il fallait pour cela<br />

littéralement inventer une pathologie nouvelle sur <strong>de</strong>s bases épistémologiques sensiblement<br />

renouvelées.<br />

a. <strong>Le</strong> contexte <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>travail</strong><br />

<strong>Le</strong> contexte social et juridique dans lequel les travaux d’Oppenheim trouvent place est très<br />

poche <strong>de</strong> celui qui fut à l’origine du Railway spine, à ceci près que l’opportunité en est moins la<br />

question <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s <strong>victime</strong>s d’acci<strong>de</strong>nts ferroviaires que celles d’acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>travail</strong>.<br />

C’est en effet le problème <strong>de</strong>s conséquences sur la santé <strong>de</strong> ceux se produisant dans le cadre du<br />

<strong>travail</strong> qui, en Allemagne, mais aussi en France 1 , fait l’objet <strong>de</strong>puis un certain temps <strong>de</strong> débats<br />

passionnés au plan politique et juridique, et également médico-légal avec, comme il en était pour les<br />

conséquences <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts ferroviaires, la question récurrente <strong>de</strong> la nature énigmatique <strong>de</strong>s<br />

troubles observés et <strong>de</strong> leur simulation frauduleuse toujours possible.<br />

Du côté germanique, un ensemble <strong>de</strong> mesures est pris visant à désamorcer le pouvoir grandissant<br />

<strong>de</strong>s organisations ouvrières, dont, en 1884, la législation Bismarck sur l’assurance <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts et,<br />

cinq ans plus tard, la reconnaissance par le Bureau Impérial <strong>de</strong> l’Assurance du droit à compensations<br />

pour les troubles nerveux consécutifs à un acci<strong>de</strong>nt cause d’inaptitu<strong>de</strong> au <strong>travail</strong>. Cet acte fut<br />

rapi<strong>de</strong>ment rendu responsable <strong>de</strong> ce qui parut à certains constituer une véritable épidémie <strong>de</strong><br />

« névrose <strong>de</strong> pension » (Rentenneurose) :<br />

La reconnaissance légale <strong>de</strong> la névrose traumatique inaugurait d’un problème qui allait préoccuper les<br />

administrateurs d’assurances, les bureaucrates, les lea<strong>de</strong>rs syndicaux, les patients traumatisés et les<br />

mé<strong>de</strong>cins pour les trente six années suivantes (jusqu’à ce que la décision soit annulée en 1926. 2<br />

1 Concernant le contexte français, voir l’incontournable historique que F. Ewald a reconstitué <strong>de</strong>s débats<br />

politiques ayant abouti à la loi <strong>de</strong> 1898 sur les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>travail</strong>. Concernant les polémiques qui lui ont fait<br />

suite au plan médico-légal, l’on peut se référer au chapitre qu’y consacre Y. Guyot (1914) dans son ouvrage<br />

L’industrie et les industriels, Paris, O. Doin et fils Ed.<br />

2 P. <strong>Le</strong>rner (2001) : From Traumatic Neurosis to Male Hysteria, p. 150, In Mark S. Micale and Paul <strong>Le</strong>rner<br />

(2001) Traumatic past. History, Psychiatry, and Trauma in the Mo<strong>de</strong>rn Age, 1870-1930, Cambridge University<br />

Press.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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