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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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a) L’abandon <strong>de</strong> la « Neurotica »<br />

206<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

C’est par la lettre du 21-09-1897 adressée à Fliess (S. Freud, 1956, p. 190-93) qu’il est<br />

convenu <strong>de</strong> dater ce moment <strong>de</strong> rupture et qu’incarne le célèbre « Je ne crois plus à ma<br />

neurotica… » ; moment célébré comme la véritable découverte <strong>de</strong> la psychanalyse et annonciateur<br />

<strong>de</strong>s révolutions conceptuelles à venir.<br />

Quatre motifs viennent explicitement justifier l’abandon <strong>de</strong> ce qu’il avait pourtant dénommé peu <strong>de</strong><br />

temps auparavant « la source du Nil » <strong>de</strong> l’hystérie :<br />

- la déception née <strong>de</strong> l’impossibilité <strong>de</strong> « pousser mes analyses jusqu’à leur véritable<br />

achèvement » : fuite <strong>de</strong>s patients, succès jugés partiels ;<br />

- le fait <strong>de</strong> retrouver à chaque fois la même « cause déterminante » à l’hystérie, à savoir la<br />

commission d’actes pervers par le père sur ses enfants, « alors qu’une telle généralisation<br />

<strong>de</strong>s actes pervers commis envers <strong>de</strong>s enfants semblait peu croyable » ;<br />

- « la conviction qu’il n’existe dans l’inconscient aucun « indice <strong>de</strong> réalité » », ce qui rend<br />

impossible la distinction entre vérité et « fiction investie d’affects » ;<br />

- dans les <strong>psycho</strong>ses les plus profon<strong>de</strong>s et les états les plus délirants, « le souvenir inconscient<br />

ne jaillit pas » et « le secret <strong>de</strong> jeunesse » « ne se révèle pas ».<br />

Et il conclut : « Quand on constate que l’inconscient n’arrive jamais à vaincre la résistance du<br />

conscient, on cesse d’espérer que, pendant l’analyse, le processus inverse puisse se produire et<br />

aboutir à une domination complète <strong>de</strong> l’inconscient par le conscient » (S. Freud, 1956, p. 191).<br />

Dans les faits, plusieurs passages <strong>de</strong> lettres adressées entre-temps à Fliess laissent à penser<br />

qu’un autre modèle est en germe et que Freud en a déjà l’intuition. Ne se dit-il pas lui-même surpris<br />

du peu d’émoi que cet abandon suscite en lui, alors que semble s’effondrer le rêve d’une découverte<br />

dont il escomptait bien qu’elle marquerait l’histoire <strong>de</strong> sa discipline ?<br />

Mais, en attendant, ce renoncement ne va cependant pas sans poser problème, en premier celui <strong>de</strong><br />

l’étiologie héréditaire à laquelle se trouve à nouveau confronté Freud puisque, sans la neurotica, il<br />

n’a plus véritablement <strong>de</strong> conception alternative à y opposer. En effet, le traumatisme sexuel<br />

permettait <strong>de</strong> se dégager <strong>de</strong> la prégnance du modèle héréditaire, puisque c’était désormais un fait<br />

d’histoire individuelle qui venait rendre compte non seulement <strong>de</strong> la névrose, mais également <strong>de</strong> ses<br />

manifestations symptomatiques. L’abandon <strong>de</strong> la neurotica ne peut donc que le renvoyer à ce dont il<br />

croyait s’être définitivement défait, point éminemment problématique dans la perspective qui est la<br />

sienne d’édification d’une véritable <strong>psycho</strong>-pathologie. Et Freud d’écrire :<br />

Maintenant je ne sais plus où j’en suis, car je n’ai encore acquis <strong>de</strong> compréhension théorique ni du<br />

refoulement ni du jeu <strong>de</strong> forces qui s’y manifeste. Il semble douteux que <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts survenus<br />

tardivement puissent susciter <strong>de</strong>s fantasmes remontant à l’enfance. C’est pour cette raison que le<br />

facteur d’une prédisposition héréditaire semble regagner du terrain alors que je m’étais toujours<br />

efforcé <strong>de</strong> le refouler dans l’intérêt d’une explication <strong>de</strong>s névroses. 1<br />

1 In La naissance <strong>de</strong> la Psychanalyse, p. 191-92.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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