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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

toute la semaine prochaine mais je vais pas être seule,<br />

y’aura toujours une copine à dormir avec moi, elles se<br />

sont tout <strong>de</strong> suite proposées….Comme ça, je serai pas<br />

seule et s’il arrive quelque chose je serai sûre que j’ai<br />

pas rêvé…<br />

P/ Vous avez encore <strong>de</strong>s doutes sur ce qui s’est<br />

passé ?<br />

Melle A. : J’en rêve beaucoup, c’est pour ça… C’est<br />

au moment <strong>de</strong> m’endormir, quand je dors pas encore,<br />

j’imagine <strong>de</strong>s histoires comme ça…<br />

P/ Par exemple ?<br />

Melle A. : Ca peut être au centre <strong>de</strong> loisirs, comme y’a<br />

un enfant dont les parents divorcent et que le père a<br />

menacé d’enlever son fils, j’imagine que je vais être<br />

prise en otage par le papa pendant 2 ou 3 heures avec<br />

une dizaine d’enfants, et qu’à la fin les CRS<br />

arrivent… C’est comme un film et c’est moi qui<br />

déci<strong>de</strong> c’qui va s’passer… Et à la fin je m’en sors, dès<br />

fois éventuellement blessée…<br />

P/ Vous imaginez différents déroulements ?<br />

Melle A. : Non, pas vraiment, c’est la même chose qui<br />

revient… Je reste calme à chaque fois, je contrôle ce<br />

que je fais… Ce qui change c’est que ça peut se passer<br />

au centre <strong>de</strong> loisirs ou à la colonie, ou en amphi, et à<br />

chaque fois je me retrouve parmi mes otages sans que<br />

je sois personnellement visée… C’est juste parce que<br />

je suis là, au centre <strong>de</strong> loisir ou à la colo comme<br />

animatrice, en amphi parce que je suis au premier<br />

rang… et si je suis blessée, c’est pareil, c’est pas parce<br />

que je suis visée, c’est parce que je suis à portée… Et<br />

la plupart du temps j’arrive à sauver les enfants… Je<br />

suis là, calme, et je pense logiquement à c’que j’peux<br />

faire pour m’en sortir…<br />

P/ Est-ce que vous vous êtes faite <strong>de</strong>s reproches dans<br />

la manière dont vous avez agi dans la chambre ?<br />

Melle A. : J’crois pas parce qu’au fond, mon<br />

comportement a fait que je l’ai pas énervé et il était<br />

dans un tel état que si on s’était énervées il se serait<br />

énervé encore plus et comme il avait plus <strong>de</strong> moyens<br />

<strong>de</strong> nous faire peur que nous <strong>de</strong> nous défendre…. C’est<br />

aussi ce que nous ont dit les policiers…On était<br />

coopérantes et donc on ne représentait pas un danger<br />

pour lui et y’avait pas <strong>de</strong> raisons qu’il s’en prenne à<br />

nous…<br />

P/ Vous avez fait c’qu’il fallait faire…<br />

Melle A. : Oui mais c’est ça qu’est terrible à chaque<br />

fois ça m’tombe <strong>de</strong>ssus et je peux rien y faire… Que<br />

ce soient les acci<strong>de</strong>nts ou ça, j’aurais rien pu y faire<br />

pour les empêcher… A chaque fois ça m’est tombé<br />

<strong>de</strong>ssus sans rien avoir fait, je me suis pas mise en<br />

suivante, liée au fait <strong>de</strong> se retrouve seule ; et aux<br />

précautions qu’elle a déjà prises contre le risque, non<br />

pas d’angoisse, mais d’un nouvel événement violent<br />

dont elle aura cette fois un témoin.<br />

La question reformule sa remarque comme un<br />

possible sentiment d’irréalité persistant.<br />

Sa réponse apporte un élément nouveau…<br />

… qui fait l’objet d’une question exploratoire.<br />

Elle fait alors état <strong>de</strong> scénarios imaginaires reprenant<br />

sous différentes formes une même trame : le<br />

surgissement d’un danger dans un espace a priori<br />

sécurisé se résolvant par l’arrivée <strong>de</strong> secours, ellemême<br />

en ressortant tantôt in<strong>de</strong>mne, tantôt blessée.<br />

Cela évoque une forme, plus distanciée que dans le<br />

syndrome <strong>de</strong> répétition, <strong>de</strong> revécu <strong>de</strong> l’événement<br />

dans une visée abréactive : une façon <strong>de</strong> maîtriser ce<br />

qui avait été incontrôlable.<br />

La question se saisit du fait que dans ces scénarios<br />

imaginaires, elle met l’accent sur l’importance <strong>de</strong> son<br />

comportement, notamment <strong>de</strong> son contrôle ; d’où<br />

l’idée que, peut-être, elle se fait <strong>de</strong>s reproches quant à<br />

sa conduite.<br />

Elle rejette l’hypothèse, mais semble avoir besoin<br />

d’une caution extérieure (celle <strong>de</strong>s policiers) pour<br />

cela.<br />

Reformulation en écho <strong>de</strong> son propos. Mais<br />

l’insistance à la soutenir dans l’idée qu’elle a « bien »<br />

agi est en fait implicitement provocatrice : pourquoi<br />

avoir tant besoin <strong>de</strong> le dire ?<br />

Sa réponse montre à quel point cela lui pose problème,<br />

mais non pas d’avoir mal réagi, mais d’avoir<br />

paradoxalement agi en prenant les sécurités qu’elle<br />

estimait néc<strong>essai</strong>res.<br />

Elle développe au fond une remarque qu’elle avait<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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