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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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enjeux spécifiques et différenciés : « être <strong>victime</strong> » supposait un <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> singulier<br />

néc<strong>essai</strong>re à l’assomption d’une place juridiquement définie <strong>de</strong> <strong>victime</strong>, ce qui supposait, dans un<br />

même mouvement, d’être complémentairement à même <strong>de</strong> constituer une position d’auteur.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Cette première formulation contenait toutefois en elle sa propre subversion, et conduisit à<br />

un second décentrement fondateur : si l’assomption aux constructions juridiques <strong>de</strong>s positions<br />

d’auteur et <strong>de</strong> <strong>victime</strong> nécessitait <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s victimés un <strong>travail</strong> d’intégration du processus<br />

judiciaire et <strong>de</strong> ses réponses, les réticences voire les impossibilités <strong>de</strong> certains à les faire leurs<br />

laissaient apparaître en quelque sorte en creux le fait que s’il pouvait y avoir désaccord c’est qu’un<br />

autre ensemble <strong>de</strong> constructions se trouvait à l’œuvre, faisant contraste ou alternative ; qu’un autre<br />

parcours, sous-jacent au précé<strong>de</strong>nt et ne le rencontrant qu’occasionnellement, se déroulait, intérieur<br />

à la <strong>victime</strong>.<br />

Quel regard convenait-il <strong>de</strong> porter sur ces constructions personnelles parallèles ? Si certaines<br />

semblaient renvoyer à ce que l’on dénomme ailleurs <strong>de</strong>s traumatismes <strong>psychique</strong>s, d’autres, pour<br />

être différentes <strong>de</strong> celles construites par le judiciaire, n’en semblaient pas moins tout à fait<br />

argumentées et renvoyer à <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> jugement certes personnels, mais cohérents, argumentés<br />

et partageables.<br />

D’où un constat généralisable : toute victimisation, qu’elle ait engendré ou non <strong>de</strong>s répercussions<br />

<strong>psychique</strong>s plus ou moins graves, met à l’épreuve les sujets victimés non seulement dans leurs<br />

capacités à faire avec les normes et valeurs juridiques communes, et plus généralement sociales,<br />

mais encore sollicite activement leurs normes et valeurs personnelles.<br />

Il en est ressorti une complexification notable <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> <strong>travail</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong>, celui-ci apparaissant dès<br />

lors comme double : assomption à <strong>de</strong>s constructions sociales et juridiques d’une part, <strong>travail</strong><br />

intérieur, subjectif d’autre part, se rapprochant <strong>de</strong> ce que les spécialistes du trauma désignaient<br />

comme la nécessité <strong>de</strong> donner un sens personnel à l’événement.<br />

Etait-il pourtant justifié <strong>de</strong> dualiser ainsi le <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> en un <strong>travail</strong> portant sur une<br />

réalité externe (normes et valeurs judiciaires) et interne (les normes et valeurs personnelles) ?<br />

Une analyse <strong>de</strong> contenu <strong>de</strong>s propos spontanés d’un très grand nombre <strong>de</strong> <strong>victime</strong>s recueillis dans les<br />

situations les plus diverses tendait en fait très clairement à montrer qu’il s’agissait dans les <strong>de</strong>ux cas<br />

d’un seul et même ensemble <strong>de</strong> processus dont l’enjeu était chez la <strong>victime</strong> un <strong>essai</strong> <strong>de</strong><br />

constitution <strong>de</strong> l’événement et <strong>de</strong> sa présence à celui-ci ; à ceci près qu’à la différence <strong>de</strong> ce qui se<br />

déroule en justice, le victimé y jouait successivement ou simultanément tous les rôles et y tenait<br />

toutes les places : <strong>de</strong> victimé, d’agresseur, <strong>de</strong> juge, d’enquêteur, d’expert, <strong>de</strong> juré, <strong>de</strong> témoin…<br />

Ainsi, cette dualité entre réalité <strong>psychique</strong> interne et réalité socio-juridique externe semblait ne pas<br />

trouver <strong>de</strong> véritable fon<strong>de</strong>ment dans la clinique, l’une et l’autre apparaissant comme les <strong>de</strong>ux faces<br />

<strong>de</strong>s mêmes processus, observable soit du côté <strong>de</strong>s conventions sociales et/ou juridiques, soit du côté<br />

<strong>de</strong>s normes et valeurs personnelles du victimé ; cette dualité tenait par conséquent essentiellement<br />

à <strong>de</strong>s postulats théoriques ayant dichotomisé la question entre réalité interne, fantasmatique dans<br />

sa nature, et réalité externe objective sinon objectivante.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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