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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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S’il ne se focalisait trop sur la seule relation victimant/victimé, l’on pourrait ici adopter le<br />

terme générique d’ « i<strong>de</strong>ntification à l’agresseur » pour caractériser ces modalités victimales<br />

particulières <strong>de</strong> fixation, dans la mesure où il s’agit d’une reproduction en miroir d’une conduite,<br />

sinon <strong>de</strong>structrice, du moins attentatoire dans le social à ce dont le victimé n’a plus <strong>psychique</strong>ment<br />

accès ; ou encore celui <strong>de</strong> « syndrome <strong>de</strong> Münchhausen », en élargissant la notion à toutes formes<br />

d’interpellation (et pas seulement la mé<strong>de</strong>cine) <strong>de</strong>s institutions tout en mettant en échec leur<br />

possibilité <strong>de</strong> solutionner le problème : en leur faisant jouer ses propres impasses.<br />

L’on pensera notamment à la « sérialité victimale », telle que définie par P. <strong>Le</strong>bas (2005) ou encore<br />

par L.M. Villerbu et P. Pignol (2007) :<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

La sérialité consiste à faire le pari que toute déviance ou délinquance (directe ou indirecte) n’est<br />

qu’une manifestation parmi d’autres d’un état <strong>de</strong> souffrance <strong>psychique</strong> qui ne peut s’exprimer que par<br />

une attaque <strong>de</strong>s représentants du lien social (dans leur fonction, leur contenu, leur représentation,<br />

etc.). Elle admet ainsi qu’il y a équivalence entre prendre, ou se donner, comme champ d’interlocution<br />

les domaines <strong>de</strong> référence <strong>de</strong> la justice, <strong>de</strong> la santé, <strong>de</strong> la promotion ou encore <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux social :<br />

là où <strong>de</strong> l’interdit et du pouvoir se font enjeux <strong>de</strong> transgressions possibles et <strong>de</strong> restaurations<br />

narcissiques. 1<br />

Il n’est au fond pas surprenant que ces formes aient été moins analysées par le mon<strong>de</strong> psy<br />

que celles à valence « névrotique », car ce n’est pas à lui, sinon ponctuellement, que ceux qui en<br />

souffrent s’adressent en premier lieu. Ce n’est pas dans l’espace discret du cabinet thérapeutique<br />

mais sur la scène sociale et juridique que <strong>de</strong> tels processus se jouent principalement, puisque leurs<br />

interlocuteurs sont en premier lieu les garants <strong>de</strong> l’ordre social et juridique et les dispositifs <strong>de</strong><br />

restauration à disposition. Mais ici, à l’opposé <strong>de</strong> s’imputer sur un mo<strong>de</strong> auto<strong>de</strong>structeur,<br />

l’événement, soit dans sa nature, sa survenue, son sens et/ou ses implications, le sujet victimé va se<br />

donner comme interlocuteur privilégié, sinon exclusif, le social et ses représentants, dont il va mettre<br />

en cause les normes et les valeurs. D’où la naissance <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> sinistrose née <strong>de</strong> la pratique<br />

expertale, puisque l’expert se trouve au carrefour <strong>de</strong> ces différents enjeux.<br />

C’est à une toute autre discipline que la <strong>psycho</strong>logie, la sociologie, que l’on doit une étu<strong>de</strong><br />

susceptible d’éclairer certaines <strong>de</strong>s modalités victimales à forme sinistrosique et revendiquante, et<br />

d’en suggérer, par transposition, une lecture et une analyse affinée du processus y conduisant.<br />

Cette étu<strong>de</strong> menée par M. David-Jougneau (1989) porte sur le « dissi<strong>de</strong>nt » selon une perspective<br />

qui, loin d’attribuer la dissi<strong>de</strong>nce à <strong>de</strong>s seules caractéristiques personnelles présentées par le<br />

dissi<strong>de</strong>nt, relevant par exemple d’une personnalité particulière ou d’une pathologie, et sans exclure<br />

totalement celles-ci. Elle s’attache à le penser comme un phénomène relationnel ou plutôt<br />

interactionnel entre une personne et une institution, autour <strong>de</strong> questions <strong>de</strong> normes et <strong>de</strong> valeurs.<br />

Trois ordres <strong>de</strong> conditions sont apparues sembler néc<strong>essai</strong>res au développement <strong>de</strong> comportements<br />

dissi<strong>de</strong>nts :<br />

1 L.M. Villerbu et P. Pignol (2006), Approche sérielle en <strong>victimologie</strong> familiale : une conversion néc<strong>essai</strong>re dans<br />

l’analyse <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> maltraitance et dans le <strong>travail</strong> <strong>psycho</strong>social, p. 259.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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