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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Si tous les auteurs s’accor<strong>de</strong>nt à reconnaître que l’émotion est un puissant facteur <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>ses, il<br />

n’en est pas <strong>de</strong> même quant à la détermination <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> cette puissance. D’après l’opinion<br />

dominante, l’émotion doit être considérée comme cause prédisposante ou occasionnelle. Elle est<br />

toujours secondaire par rapport à l’état constitutif du sujet. Son rôle se réduit soit à découvrir le mal<br />

qui existe dans un état en quelque sorte latent, soit à créer une aptitu<strong>de</strong> pour les maladies mentales.<br />

Dans le premier cas, le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> la prédisposition ainsi que l’intensité du choc émotionnel, pourront<br />

seuls donner la mesure <strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong> la <strong>psycho</strong>pathie qui en résultera ; dans le <strong>de</strong>rnier, l’aptitu<strong>de</strong><br />

créée pourra être révélée par toute infection ou intoxication.<br />

Mais il y a d’autres savants qui, sans nier l’importance <strong>de</strong> la prédisposition, admettent cependant que<br />

l’émotion, à elle seule, est parfois suffisante pour provoquer <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>psycho</strong>pathiques. Cela veut<br />

dire que si, dans la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s cas, l’éclosion d’une affection <strong>psychique</strong> est en effet<br />

conditionnée par un terrain constitutif, il n’en est pas ainsi toujours : certaines émotions, par<br />

l’intensité <strong>de</strong> leur action, sont capables <strong>de</strong> produire le même effet. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Il propose ainsi un recensement <strong>de</strong>s principaux troubles observés consécutivement aux <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s<br />

formes d’émotions nécessitant selon lui d’être distinguées : les émotions brusques provoquées par<br />

les gran<strong>de</strong>s catastrophes, comme les tremblements <strong>de</strong> terre, et les émotions durables comme celles<br />

engendrées par les « gran<strong>de</strong>s commotions politiques », telles les révolutions.<br />

Dans son <strong>essai</strong> <strong>de</strong> synthèse conclusive il tente d’établir un lien entre émotions brusques et formes<br />

confusionnelles <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>se, admettant dans ce cas que l’émotion puisse à elle seule, sans le<br />

concours <strong>de</strong> la prédisposition, les déclencher ; quant aux émotions durables, qui agissent « d’une<br />

manière lente et continue », elles ne joueraient que le « le rôle d’un excitant » dans l’éclosion d’états<br />

pathologiques latents.<br />

L’un <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> est la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s différents états <strong>psychique</strong>s pouvant<br />

être provoqués par les émotions brusques : « la folie furieuse » que Lombroso a pu observer lors <strong>de</strong><br />

catastrophes italiennes, les délires avec hallucinations décrits par M. Néri, mais aussi déjà <strong>de</strong>s formes<br />

<strong>de</strong> « réaction immédiates » tout à fait saisissantes observées par plusieurs auteurs :<br />

M. d’Abundo (<strong>de</strong> Catane) a observé chez les sinistrés la stéréotypie <strong>psychique</strong> qui consiste en ceci :<br />

chacun <strong>de</strong>s réfugiés racontait d’une voix blanche et sans aucune émotion la mort ou la disparition <strong>de</strong>s<br />

êtres qui lui étaient le plus cher. M. Boulimié rapporte le même phénomène. Il fut profondément<br />

frappé par l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> stupeur et d’indifférence <strong>de</strong> certains sinistrés. « Ils ne semblaient pas se<br />

rendre compte <strong>de</strong> la réalité, on dirait qu’ils rêvent étant éveillés et qu’ils parlent d’événements très<br />

lointains ou survenus chez <strong>de</strong>s indifférents. Des faits analogues ont été enregistrés par M. Stierlin<br />

pendant le tremblement <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> Valparaiso. Il cite le cas d’un jeune homme <strong>de</strong> dix-sept ans qui, au<br />

moment <strong>de</strong> la secousse, était occupé à jouer du violon. Il a réussi à s’échapper par une fenêtre sans<br />

être blessé. Une fois dans la rue, il se promène, s’occupe du sauvetage, cause, etc., et tout cela sans<br />

s’inquiéter du sort <strong>de</strong>s siens qui, tous ont péri dans la catastrophe. Après quelques temps, le jeune<br />

homme commença à exécuter <strong>de</strong>s pitreries, se déshabilla et circula sans vêtements dans les rues.<br />

Pendant une semaine, il resta confus et désorienté. Puis son état <strong>psychique</strong> revint peu à peu à la<br />

normale. 2<br />

Il mentionne également <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> réactions s’apparentant quant à elles plus franchement à <strong>de</strong>s<br />

<strong>psycho</strong>ses confusionnelles et oniriques :<br />

1 A. Cygielstrejch (1912) : <strong>Le</strong>s conséquences mentales <strong>de</strong>s émotions <strong>de</strong> la guerre, AMP, p. 134-35.<br />

2 Ibi<strong>de</strong>m, p. 136.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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