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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Hypnose <strong>de</strong>s batailles pour la guerre <strong>de</strong> mouvement d’août 1914 (Milian), puis shell-shock (Myers,<br />

Chavigny, Gaupp, 1915) avec la stabilisation du front et les pilonnages d’artillerie sur les tranchées,<br />

puis neurasthénie et hystérie <strong>de</strong> guerre avec l’enlisement du conflit et la baisse du moral <strong>de</strong>s soldats<br />

(Lépine, 1917)), et enfin, névroses et <strong>psycho</strong>névroses <strong>de</strong> guerre, voire névroses traumatiques,<br />

diagnostics qui reflètent plus exactement la réalité (Roussy et Lhermitte, Milligan, Ferenczi, 1917-<br />

1918). <strong>Le</strong>s hypothèses pathogéniques ont suivi la même évolution : hypothèses organiques<br />

étiologiques d’abord, dont celle <strong>de</strong> la confusion mentale <strong>de</strong> guerre (Capgras), et celle <strong>de</strong> la paralysie<br />

nerveuse réflexe (Babinski, Oppenheim), ensuite hypothèse post-commotionnelle (Mott, Mairet,<br />

Sarbo), puis hypothèse post-émotionnelle par effroi et autosuggestion (Lépine, Birbaum), et enfin<br />

hypothèses <strong>psycho</strong>dynamiques du complexe <strong>de</strong> peur, <strong>de</strong> l’effondrement narcissique et <strong>de</strong> la<br />

régression libidinale (Adrian, Ferenczi, Abraham, Freud). 1<br />

Une différenciation clinique heuristique : syndromes commotionnels et émotionnels<br />

Résumant les principaux points d’accord et <strong>de</strong> désaccord entre les psychiatres durant la<br />

Gran<strong>de</strong> Guerre, J. Sutter en propose l’analyse suivante :<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Si tous les auteurs s’accor<strong>de</strong>nt pour souligner l’importance <strong>de</strong> la prédisposition, innée ou acquise du<br />

fait <strong>de</strong> la guerre, si tous font jouer un rôle à la fatigue, à la tension nerveuse, à la mauvaise<br />

alimentation, aux toxi-infections mineures, etc., la discussion s’établit principalement sur l’importance<br />

respective <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux facteurs qui apparaissent essentiels : le traumatisme et l’émotion. 2<br />

En raison <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s similitu<strong>de</strong>s entre les tableaux cliniques présentés par tous les patients, il était<br />

supposé que la déflagration (vent <strong>de</strong> boulet, explosion d’obus) avait pu engendrer <strong>de</strong>s lésions<br />

internes très proches, sinon i<strong>de</strong>ntiques, et cela qu’un traumatisme physique ait pu être observé ou<br />

non. Dans la même perspective, d’autres praticiens invoquaient une sorte <strong>de</strong> « traumatisme global »<br />

affectant l’organisme tout entier, dont le système nerveux, par différentes voies (G. Dumas et Aimé,<br />

cités par Sutter, p. 255), dont la voie aérienne. L’on reconnaissait alors en effet au « traumatisme<br />

aérien » un « effet commotionnel », et l’on admettait que celui-ci pouvait être provoqué par les<br />

changements <strong>de</strong> pressions engendrés par la déflagration.<br />

Quant à la différence entre émotion et commotion, si elle est au cœur <strong>de</strong>s débats, elle reste bien peu<br />

établie et est d’ailleurs souvent contestée comme par Ballet et <strong>de</strong> Fursac qui, en 1916 affirment<br />

encore que l’état commotionnel n’est qu’une émotion choc intensifiée et fixée » (cités par Mairet,<br />

1997, p. 187).<br />

Mais <strong>de</strong>ux auteurs, A. Mairet et H. Piéron (1917), vont être amenés à distinguer le<br />

« syndrome commotionnel » du « syndrome émotionnel » sur la base <strong>de</strong> critères cliniques précis, et<br />

non pas doctrinaux comme ce pouvait être le plus souvent le cas jusqu’alors ; d’où le très grand<br />

intérêt <strong>de</strong> leur contribution, dont nous verrons qu’elle sera oubliée <strong>de</strong> façon tout à fait<br />

dommageable par certains auteurs dans les années 1950. Du côté <strong>de</strong> l’émotionnel, ils donnent<br />

l’exemple suivant :<br />

Bl…, trente et un ans, faisait au front le ravitaillement en munitions, portant <strong>de</strong>s obus. Un soir, vers 22<br />

heures, une balle le frôle à la partie gauche du visage, il en sent le vent passer. Au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

1 L. Crocq (2005e) : La psychiatrie <strong>de</strong> la Première Guerre mondiale. Tableaux clinique, options pathogéniques,<br />

doctrines thérapeutiques, AMP, 163, p. 269.<br />

2 J. Sutter, H. Stern, R. Susini (1947) : Evolution du problème <strong>de</strong>s <strong>psycho</strong>névroses <strong>de</strong> guerre, AMP, p. 255.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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