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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

L’on peut en comprendre que sa perplexité tient à <strong>de</strong>ux questions : qu’est-ce qui permet<br />

d’éprouver un ressenti comme <strong>de</strong> la souffrance ? Qu’est-ce qui légitime <strong>de</strong> pouvoir en être<br />

malheureux ? Il semble en effet que le problème se pose tant dans le rapport à elle-même<br />

que dans le rapport aux autres.<br />

Ce qui semble relever pour tout un chacun d’une évi<strong>de</strong>nce (ce que l’on ressent ne se discute<br />

pas, le fait <strong>de</strong> le vivre se suffisant à lui-même) est pour elle assorti d’un ensemble <strong>de</strong> doutes<br />

qui en viennent à annuler, ou à ne pas prendre en compte, ses éprouvés tels qu’elle les vit.<br />

Deux références, antagonistes, semblent ainsi coexister, disjoints, ou du moins sans lien<br />

d’évi<strong>de</strong>nce entre eux : l’une consistant en un ensemble d’éprouvés douloureux, l’autre dans<br />

leur reconnaissance telle qu’elle en fait l’expérience dans leur qualité pathique propre, qui<br />

nécessite quant à elle raison, validation, attestation <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> la justice.<br />

Dit autrement, la valeur qu’elle attribue à ses éprouvés doit être confirmée par <strong>de</strong>s normes<br />

tant internes qu’externes qui semblent défaillantes, ou tout du moins non néc<strong>essai</strong>rement<br />

congruentes, voire opposées.<br />

Et l’entretien parait lui avoir permis <strong>de</strong> commencer <strong>de</strong> prendre conscience et <strong>de</strong> verbaliser ce<br />

hiatus.<br />

L’hypothèse que le TPV permet alors <strong>de</strong> formuler est que ses éprouvés ne trouvent pas leur<br />

répondant dans un système normatif qui attesterait <strong>de</strong> leur caractère anormal : un co<strong>de</strong><br />

ferait défaut, co<strong>de</strong> permettant <strong>de</strong> différencier le normal <strong>de</strong> l’anormal, l’acceptable <strong>de</strong><br />

l’inacceptable…<br />

Exemple N° 41<br />

Melle Z. : Un <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>travail</strong> sur le mo<strong>de</strong> opératoire <strong>de</strong> l’agresseur<br />

A la date du premier entretien, cette jeune femme a 23 ans et déjà un long et difficile<br />

parcours. Elle a été abusée sexuellement entre 8 et 12 ans par le fils <strong>de</strong> ses voisins <strong>de</strong> palier,<br />

chez celui-ci, dont les parents sont <strong>de</strong>venus, durant les abus, amis <strong>de</strong>s siens. A l’adolescence,<br />

elle a présenté <strong>de</strong>s troubles alimentaires à forme d’anorexie, puis fait plusieurs tentatives <strong>de</strong><br />

suici<strong>de</strong> <strong>de</strong> plus en plus graves à partir <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> 16 ans qui l’ont conduite à une<br />

hospitalisation <strong>de</strong> plus d’un an en établissement psychiatrique. Dans ce cadre et <strong>de</strong>s relations<br />

positives qu’elle a pu y établir avec l’équipe <strong>de</strong> soin, elle en vient à révéler les abus. Aidée par<br />

l’équipe, elle en fait part à sa famille mais refuse <strong>de</strong> déposer plainte. Ses parents, séparés<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs années, réagissent, -son père par l’indifférence, - sa mère <strong>de</strong> façon très<br />

défensive, affirmant qu’elle a toujours été une bonne mère et ne pouvait pas savoir. A sa<br />

sortie <strong>de</strong> clinique, âgée <strong>de</strong> 18 ans, elle trouve un emploi stable, s’installe dans un studio et<br />

mène une vie solitaire organisée autour <strong>de</strong> son <strong>travail</strong> qu’elle surinvestit.<br />

A 20 ans, elle croise par hasard l’agresseur dans un lieu public, parvient à l’abor<strong>de</strong>r dans une<br />

sorte d’état second et lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s explications. Elle relate qu’il a éclaté en sanglots et l’a<br />

suppliée <strong>de</strong> ne rien dire. En état <strong>de</strong> choc, elle met plusieurs semaines à métaboliser quelque<br />

chose <strong>de</strong> la scène et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> déposer plainte.<br />

Elle se fait ai<strong>de</strong>r par l’association d’ai<strong>de</strong> aux <strong>victime</strong>s locales mais son dossier tar<strong>de</strong> à être<br />

traité bien que l’agresseur ait reconnu une partie <strong>de</strong>s faits. Deux ans après son dépôt <strong>de</strong><br />

plainte, pour raison d’éléments insuffisants, son dossier est classé sans suite. Elle parvient<br />

malgré tout à obtenir sa réouverture mais est tellement <strong>psychique</strong>ment en difficultés qu’elle<br />

cesse son <strong>travail</strong>, complètement absorbée et désabusée par ces <strong>de</strong>rniers événements. Sur les<br />

conseils <strong>de</strong> l’association, elle prend un premier ren<strong>de</strong>z-vous à la consultation auquel elle se<br />

rend, ne vient pas au second, réapparaît 6 mois plus tard pour cette fois <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un suivi<br />

régulier auquel elle se tient.<br />

<strong>Le</strong>s quatre premiers entretiens sont consacrés pour l’essentiel à retracer son histoire.<br />

Elle s’y présente à chaque fois très plaintive, se disant déprimée et prise à nouveau par <strong>de</strong>s<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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