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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

homme bien connu d’eux et <strong>de</strong> leur fille, pour agression sexuelle sur celle-ci. Une fin d’aprèsmidi,<br />

elle est rentrée chez elle très perturbée, ils l’ont interrogée et elle leur a « avoué » avoir<br />

été «touchée sexuellement » par cet homme. Ils ont immédiatement déposé plainte, l’homme<br />

a été auditionné et a reconnu qu’il « s’était passé quelque chose » et a semblé très culpabilisé.<br />

Il n’a jamais auparavant été condamné. Depuis, la jeune fille est, selon ses parents, <strong>de</strong> plus en<br />

plus confuse et s’en veut notamment <strong>de</strong> la plainte déposée contre cet homme pour qui elle<br />

avait beaucoup d’affection.<br />

Durant l’entretien individuel avec elle, elle se montre effectivement très angoissée. Elle<br />

parvient à relater les circonstances <strong>de</strong> l’agression qui s’est produite durant une séance <strong>de</strong><br />

sauna que lui a proposé l’homme. <strong>Le</strong>s conditions dans lesquelles cette « séance » survient sont<br />

en elles-mêmes peu communes et laissent à penser qu’il existait chez lui, sinon une<br />

préméditation, du moins la mise en place intentionnelle d’un espace et d’un temps d’intimité<br />

et <strong>de</strong> proximité physique avec la jeune fille. En arrivant au moment <strong>de</strong> l’agression, elle relate<br />

qu’à la sortie du sauna, il lui a proposé un massage du dos, qu’elle a accepté. Invitée à raconter<br />

ce massage, elle dit qu’il a commencé par les épaules, est <strong>de</strong>scendu en bas <strong>de</strong> son dos et … a<br />

fini par les pieds. A une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> précision sur ce qui a pu se passer entre ces <strong>de</strong>ux<br />

moments elle dit ne plus trop savoir, et que c’est là la source <strong>de</strong> nombreuses ruminations et<br />

angoisses. Il lui est alors <strong>de</strong>mandé quel était le <strong>de</strong>rnier moment dont elle se souvienne avant ce<br />

« blanc » dans ses souvenirs. Après réflexion, elle répond qu’elle l’avait complètement oublié,<br />

mais qu’il lui avait <strong>de</strong>mandé, à ce moment précis, quelle était selon elle la différence entre un<br />

massage et une caresse. Elle se souvient en avoir été sur l’instant très troublée au point d’en<br />

rester <strong>psychique</strong>ment et physiquement paralysée, et ne pas avoir réagi aux attouchements qui<br />

se sont alors produits, dont elle se souvient maintenant très clairement. Et elle réalise en<br />

même temps qu’elle l’exprime que toutes ses ruminations et ses angoisses tournaient autour<br />

<strong>de</strong> cette question <strong>de</strong>venue tellement omniprésente qu’elle ne pouvait plus se formuler : étaitce<br />

vraiment une agression et était-il légitime <strong>de</strong> déposer plainte ?<br />

Voici un second exemple mettant lui l’accent sur les réactions <strong>de</strong> l’entourage, quand celles-ci<br />

viennent en duplication <strong>de</strong> la « stratégie <strong>de</strong> décriminalisation » développée par l’agresseur.<br />

Exemple n° 39<br />

Il s’agit d’une jeune femme. Cela fait plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois qu’elle se dit en malaise (elle<br />

rumine, est « agressive pour un rien », a « perdu sa légèreté ») sans comprendre clairement<br />

pourquoi, tout en reliant directement ces changements dans son caractère à l’événement<br />

suivant : à la fin d’une soirée passée dans un gîte avec son groupe habituel d’amis et son « petit<br />

copain », elle va se coucher dans un dortoir à l’étage, les autres continuant <strong>de</strong> faire le fête en<br />

bas. Elle s’endort, et à un moment est réveillée par un corps qui se colle contre son dos. Des<br />

caresses sexuelles s’ensuivent et, persuadée que c’est son compagnon, elle se laisse aller<br />

jusqu’à ce qu’elle réalise que ce ne peut pas être lui (il avait une main dans le plâtre et elle se<br />

rend compte aucune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mains du garçon n’est plâtrée. Elle se lève en hurlant, allume la<br />

lumière et découvre qu’il s’agissait d’un <strong>de</strong>s garçons <strong>de</strong> la ban<strong>de</strong>. Elle ameute tout le groupe<br />

qui se montre choqué <strong>de</strong> l’histoire et s’en prend très durement l’agresseur. Elle est choquée et<br />

rentre chez elle, se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> les jours suivants si elle doit déposer plainte, trouvant<br />

inadmissible le comportement du garçon. Plusieurs semaines ont passé et elle continue <strong>de</strong><br />

s’interroger sur l’opportunité d’une démarche judiciaire, sans parvenir à se déci<strong>de</strong>r. En<br />

conclusion, elle dit ne pas comprendre pourquoi cet événement, qui l’a, avec le recul, plus mise<br />

en colère que véritablement choquée, a encore <strong>de</strong> tels effets sur elle et s’interroge sur ce qui<br />

continue <strong>de</strong> la laisser aussi hésitante quant à la décision à prendre.<br />

Son récit et certaines <strong>de</strong> ses remarques, conduisent à explorer <strong>de</strong> façon approfondie les suites<br />

qu’eurent l’événement et il faudra plusieurs entretiens pour en démêler l’écheveau. Depuis<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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