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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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L’attention s’est alors portée d’une part sur le moment traumatique, le moment inaugural du choc<br />

en ce qu’il relevait au plan phénoménologique d’une expérience singulière hors toutes normes<br />

communes, d’autre part sur les aménagements <strong>psychique</strong>s au long cours auxquels il contraignait le<br />

sujet.<br />

Ce temps <strong>de</strong> l’ « après-trauma » a été conçu, à l’opposé <strong>de</strong> l’après-coup freudien, non comme la<br />

confrontation du sujet à un retour du refoulé originaire ou d’événements sexuels infantiles<br />

problématiques, mais comme une clinique <strong>de</strong>s <strong>essai</strong>s <strong>de</strong> reconstructions entrepris par le sujet pour<br />

faire face à ses effets dévastateurs. Si l’on peut encore parler d’après-coup c’est alors au sens strict<br />

du terme selon une temporalité progrédiente et non plus régrédiente, ou régressive, comme dans le<br />

trauma névrotique, qui renvoie le sujet à son échec à avoir pu assumer le passage d’un sta<strong>de</strong> sexuel<br />

infantile à un autre.<br />

Pour cette pensée, le moment traumatique est un moment inaugural. <strong>Le</strong> trauma dont il est question<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa condition détruite, car le sujet ne sait que trop bien ce qu’il a été.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Admettons un instant, sachant que c’est une pure fiction scientiste, que, d’un point <strong>de</strong> vue<br />

méta<strong>psycho</strong>logique, la question <strong>de</strong> « l’énigme » du trauma, ait été résolue et posons-nous celle <strong>de</strong><br />

l’après-trauma, la seule qui au fond concerne le praticien ; car, ou le sujet, au sens organique du<br />

terme, en est revenu, où il y est resté, et la rencontre avec la mort n’a pas été qu’une image. L’on n’a<br />

jamais affaire qu’à <strong>de</strong>s survivants.<br />

C’est alors toujours aux conséquences <strong>de</strong> l’expérience traumatique que nous sommes confrontés et<br />

non à l’expérience traumatique elle-même, si tant est qu’on puisse la qualifier d’expérience ;<br />

conséquences au sens <strong>de</strong> ce qu’il en reste et du comment faire avec ce reliquat.<br />

Qu’il en reste quelque chose va à l’encontre <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> néant et <strong>de</strong> néantisation trop vite avancée<br />

par certains auteurs (J. Roisin, 2010) : le rien est rien et le trauma n’est pas rien, il est ne serait-ce<br />

qu’un moment d’effroi, a minima donc, un affect, ou sans doute plus justement une manifestation<br />

<strong>de</strong> révolte du corps : car si ce que réalise l’effroi est une suspension, un gel <strong>de</strong> la métamorphose, <strong>de</strong><br />

l’effondrement ou du basculement du mon<strong>de</strong>, il représente une forme <strong>de</strong> résistance à sa <strong>de</strong>struction,<br />

à son basculement… En cela il s’y oppose <strong>de</strong> toutes forces en maintient malgré tout, à la fois le<br />

mon<strong>de</strong> et un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> présence à celui-ci, ne serait-ce que sous la forme réduite d’une image figée<br />

que l’on peut regar<strong>de</strong>r, même fasciné. Elle n’est pas néant mais au contraire trop-plein d’un<br />

basculement ou d’un déchirement du mon<strong>de</strong> ou, plus exactement, <strong>de</strong> notre impuissance intérieure à<br />

ne pouvoir le tenir et le maintenir dans son intégrité et sa cohérence ; et, au contraire d’un vécu <strong>de</strong><br />

perte qui en résulterait, c’est <strong>de</strong> la persistance, et la conscience douloureuse qui en résulte <strong>de</strong> ce qui<br />

n’est plus et ne sera plus jamais, mais est encore là dans les ruines qu’il a laissées.<br />

A l’encontre <strong>de</strong>s positions affirmant que l’image traumatique pénètrerait sans résistance au plus<br />

profond du psychisme où elle se fixerait à ses couches les plus archaïques, il semble impossible que<br />

celui-ci n’y oppose aucune résistance ; ce que Freud avait d’ailleurs mentionné en relevant que<br />

l’urgence à laquelle l’énergie <strong>psychique</strong> <strong>de</strong>vait répondre immédiatement, était <strong>de</strong> lier ce matériel,<br />

comme l’a souligné plus récemment C. Garland (2001) :<br />

La difficulté centrale propre à un désastre rési<strong>de</strong>, je crois, en ce point précis ; l'intensité <strong>de</strong> la lutte<br />

entreprise pour gérer un déluge <strong>de</strong> matériel non assimilable en l'absence d'un appareil pour penser lie<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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