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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

P : C'est ce que je veux vous dire est ce que vous pouviez faire<br />

autrement ? C’est la réaction normale <strong>de</strong> se taire,<br />

bizarrement…<br />

Melle X : Je m'en veux d'avoir été si bête et je ne sais pas,<br />

d'avoir respecté son truc a lui « tu dis rien » alors je dis rien. Je<br />

ne sais pas, pourquoi lui avoir autant fait confiance ? Et quand<br />

je parle avec les gens « c'est vrai il était jeune quand c'est<br />

arrivé, maintenant il a peut être changé » les gens ça me fait<br />

culpabiliser un peu aussi. Même s'ils me disent qu'il faut qu'il<br />

paye pour ce qu'il a fait. je ne sais pas... ça, déjà dans l'esprit<br />

<strong>de</strong>s gens quand je dis que ce n'était pas un homme d'âge mur à<br />

l'époque un homme âgé déjà il prenne ça différemment comme<br />

si c'était normale comme les enfants je ne sais pas peut être<br />

qu'ils ne le prennent pas comme ça c'est moi qui pense ça. Mais<br />

je ne sais pas, ils ont l'impression qu’il était jeune mais j'étais<br />

encore plus jeune moi aussi. Maintenant les jeunes font plus<br />

âgé, plus que leur âge. À 13 ans les filles font plus âgées du<br />

coup il y a <strong>de</strong>s confusions dans l'esprit <strong>de</strong>s gens.<br />

P : Dans l'esprit <strong>de</strong>s gens ? On a l'impression que dans le votre<br />

aussi…<br />

Melle X : Du coup …<br />

P : Ils vous font douter ?<br />

Melle X : Du coup je m'en veux <strong>de</strong> ne n'avoir rien dit ça, ça me<br />

fait culpabiliser je me dis que je lui ai peut-être mis le doute<br />

dans son esprit à lui aussi. Que j'étais d'accord. En fait je crois<br />

que ça c'est surtout <strong>de</strong>puis que j'ai témoigné et que la police m'a<br />

posé <strong>de</strong>s questions. « est-ce que vous faisiez quelque chose?<br />

Est ce que vous disiez non? »... à part en faisant en comprendre<br />

en étant pas active en étant passive en ne faisant rien on<br />

comprend... je ne sais pas <strong>de</strong> ne pas avoir dit clairement « ne<br />

me touches pas! Ne fais pas ça! » après on m'a expliqué mais je<br />

n'étais qu'une gamine. Maintenant j'aurais réagi comme ça,<br />

étant adulte mais je n'arrive pas à faire la différence entre mes<br />

pensées étant petite et maintenant avec ma vision d'adulte. Ça<br />

se confond ; je m'en veux presque alors que j'étais gamine.<br />

C'était trop difficile <strong>de</strong> réagir je ne savais ce que c'était, mais<br />

maintenant c'est normal que je m'en veuille, mais j'arrive quand<br />

même à me dire « je n'ai pas le même âge », mais quand<br />

même...<br />

P : C'est ça qui vous rend mal ?<br />

Intervention plus active qui se saisit <strong>de</strong> la<br />

possible ouverture que constitue la question<br />

<strong>de</strong> la responsabilité et va à l’encontre <strong>de</strong> ses<br />

propos : la « normalité » dans <strong>de</strong> telles<br />

situations consiste à se taire.<br />

Poursuit dans les auto-reproches mais<br />

commence à les rattacher aux propos <strong>de</strong><br />

« son » agresseur et <strong>de</strong> son entourage.<br />

Elle donne les raisons qui font qu’elle se sent<br />

(ou qu’on la rend) responsable.<br />

Apparaît ainsi tout une suite <strong>de</strong> motifs <strong>de</strong> le<br />

déresponsabiliser dont elle se plaint mais dont<br />

elle semble incapable <strong>de</strong> se dégager. Si lui<br />

n’est pas responsable, il ne reste plus qu’elle<br />

pour en faire office.<br />

L’on peut alors comprendre que ses plaintes<br />

sont une façon <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> se poser comme<br />

<strong>victime</strong> du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la question du<br />

préjudice, par défaut <strong>de</strong> parvenir à concevoir<br />

la responsabilité <strong>de</strong> l’agresseur.<br />

Essai <strong>de</strong> déplacement <strong>de</strong> la responsabilité sur<br />

un tiers.<br />

Commence à faire sienne la question <strong>de</strong> la<br />

responsabilité et à percevoir à quel point elle<br />

la porte seule.<br />

Cela lui permet <strong>de</strong> s’en distancier et <strong>de</strong><br />

commencer à analyser comment elle-même en<br />

vient à penser ainsi : comme ne parvenant pas<br />

à se défaire <strong>de</strong> l’autre.<br />

Retour à <strong>de</strong>s auto-reproches. L’on peut<br />

évoquer un fonctionnement clivé dans la<br />

mesure où elle peut dire d’un côté qu’elle<br />

n’est pas responsable et <strong>de</strong> l’autre qu’elle l’est<br />

quand même.<br />

Essai <strong>de</strong> réintroduction d’un regard réflexif<br />

sur elle-même.<br />

Melle X : Il est trop présent. .. c'est pour ça, j'ai encore plein <strong>de</strong><br />

questions…<br />

P : Ce n’est que ça, <strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s questions, <strong>de</strong>s<br />

reproches. Une chose : un enfant ne parle pas. Il y a <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong><br />

raisons, et l’une d’elle est que l'agresseur a toujours <strong>de</strong>s<br />

stratégies pour empêcher l'enfant <strong>de</strong> parler, toujours il a <strong>de</strong>s<br />

techniques d'enfermement <strong>de</strong> l'enfant dans le secret. L'enfant ne<br />

pense pas tout le temps à parler, mais l'agresseur, pour se<br />

protéger, c'est une question <strong>de</strong> protection, va trouver <strong>de</strong>s<br />

Elle s’en saisit.<br />

Intervention plus active visant à renforcer ses<br />

premiers <strong>essai</strong>s <strong>de</strong> différenciation<br />

« auteur/<strong>victime</strong> » au plan <strong>de</strong> l’imputation.<br />

<strong>Le</strong> ton pédagogique est intentionnel : il s’agit<br />

<strong>de</strong> lui donner <strong>de</strong>s éléments généraux <strong>de</strong><br />

compréhension <strong>de</strong> la confusion dans laquelle<br />

elle se trouve, en rapportant celle-ci à <strong>de</strong>s<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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