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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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autour <strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la culpabilité inconsciente sur une question strictement comptable, ce qui<br />

met à mal la possibilité <strong>de</strong> dialectiser cette problématique, <strong>de</strong> lui donner tout son essor. La <strong>de</strong>tte<br />

subjective, qui fait notre culpabilité proprement humaine, ne se monnaie pas. […] Concernant la<br />

consultation chez le psy, cette rencontre est alors <strong>de</strong>stinée stratégiquement à obtenir une attestation<br />

qui, jointe à un dossier d’in<strong>de</strong>mnisation, va permettre <strong>de</strong> rapporter <strong>de</strong> l’argent. Nous avons été<br />

frappés par le nombre <strong>de</strong> démarches initiées dans ce but. Heureusement, il peut arriver que la<br />

personne en vienne à articuler autre chose dans sa démarche, mais finalement, assez peu <strong>de</strong><br />

démarches <strong>de</strong> ce type ont abouti à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> mettant en jeu la question du désir. Là encore, le<br />

sujet trouve un moyen d’ « échapper » à une dialectisation <strong>de</strong> l’événement traumatique. 1<br />

19<br />

Dans la plus totale confusion <strong>de</strong>s registres <strong>psychique</strong> et socio-juridique, l’incompréhension vient <strong>de</strong><br />

ce que <strong>victime</strong> s’opposerait à coupable, or personne ne saurait être innocent puisque nous sommes<br />

tous « êtres <strong>de</strong> culpabilité » ; alors, dans un renversement logique stupéfiant, se poser comme<br />

<strong>victime</strong>, c’est-à-dire ici <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r réparation, reviendrait à tenter d’échapper à sa propre culpabilité<br />

et, au-<strong>de</strong>là, à la <strong>de</strong>tte subjective qui nous fon<strong>de</strong> comme « sujet désirant ». Comment, d’un point <strong>de</strong><br />

vue analytique, peut-on échapper à un processus inconscient, cela ne nous est pas dit…<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Mais c’est incontestablement dans le domaine <strong>de</strong> l’enfance que peuvent s’observer les<br />

antagonismes les plus radicaux, émanant <strong>de</strong> ce que <strong>de</strong>ux impératifs y tiennent, plus encore sans<br />

doute qu’ailleurs, une place aussi centrale qu’incontournable : les uns juridiques au nom <strong>de</strong> la<br />

protection <strong>de</strong> l’enfant, les autres thérapeutiques au nom du <strong>de</strong>venir <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> celui-ci.<br />

Deux positions psy s’y affrontent selon qu’est mis en avant un impératif <strong>psycho</strong>thérapeutique pour<br />

lequel le processus judiciaire constitue un obstacle ou à tout le moins une gène, ou un impératif <strong>de</strong><br />

signalement et <strong>de</strong> protection sans lesquels l’intervention psy sera jugée complice passive <strong>de</strong>s<br />

maltraitances.<br />

Pour ce qui concerne la première position, en voici quelques exemples.<br />

Celui d’A. Crivillé qui, dans une conférence plénière au CIFAS 2003 à Bruxelles, tint les propos<br />

suivants où l’on voit s’affirmer l’évi<strong>de</strong>nce non discutée du primat du soin sur toute autre<br />

considération :<br />

Un courant <strong>de</strong> pensée dans les milieux <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong> l’enfance soutiendrait que l’intervention <strong>de</strong><br />

la justice dans les cas d’inceste, non seulement ne pose pas problème pour les soins à donner à<br />

l’enfant <strong>victime</strong>, mais qu’elle est une prémisse néc<strong>essai</strong>re pour qu’ils soient possibles. Il faut donc les<br />

concevoir ensemble. Pour nous cette démarche oublie la complexité du problème <strong>de</strong> l’inceste et sert<br />

comme défense massive face au troublant pouvoir du séducteur pervers.<br />

L’on peut également citer C. Mormont :<br />

Dans ce genre <strong>de</strong> situations, beaucoup d’intervenants jouent un rôle trouble ou nocif en confondant<br />

leur mission d’ai<strong>de</strong> à la personne avec une opération <strong>de</strong> rétablissement <strong>de</strong> l’ordre public. En ce sens,<br />

toutes les interventions <strong>psycho</strong>logiques qui s’appuient sur la judiciarisation comme condition<br />

néc<strong>essai</strong>re ou qui affirment dépendre, pour leur efficacité, <strong>de</strong> la sanction judiciaire <strong>de</strong> l’agresseur font,<br />

dans leur principe, fausse route.<br />

<strong>Le</strong> maintien <strong>de</strong> la <strong>victime</strong> dans une attitu<strong>de</strong> revendicatrice est le signe d’un échec <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> qui lui a été<br />

apportée. Pire, si cette attitu<strong>de</strong> est entretenue et fixée par l’intervenant, celui-ci crée une <strong>victime</strong>,<br />

cette «créature vivante offerte en sacrifice» non pas aux dieux, comme le dit le dictionnaire, mais à<br />

une idéologie sociopolitique ou à une motivation inconsciente, névrotique ou perverse, qui<br />

1 W. Gontran (2009) : <strong>Le</strong> traumatisme ne s’anticipe pas, il se vérifie, Journal <strong>de</strong>s Psychologues, N° 264, p. 38-39.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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