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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Melle A. : J’avais pas pensé à ça… Ce que j’avais<br />

peur c’est que si les autres étaient venus dans la<br />

chambre ils auraient cru que l’on était son complice !<br />

co<strong>de</strong> pénal ; car il s’agit ici <strong>de</strong> pointer le caractère<br />

délictueux du comportement <strong>de</strong> l’homme à son égard<br />

là où elle ne voyait que sa peur et une attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

protection.<br />

L’intervention a pour effet <strong>de</strong> suspendre son flot <strong>de</strong><br />

paroles, signe que si elle ne peut pas encore la faire<br />

sienne, cela a modifié quelque chose dans sa<br />

représentation <strong>de</strong> l’événement<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

P : Si on résume, vous étiez en train <strong>de</strong> dormir<br />

tranquillement dans un hôtel et en pleine nuit y’a un<br />

inconnu armé qui fracasse la fenêtre et vous tombe<br />

<strong>de</strong>ssus, il commence à vous étrangler et là i vous<br />

raconte qu’il est poursuivi et que vous êtes tous en<br />

danger <strong>de</strong> mort… Vous vous êtes trouvée plongée<br />

brutalement dans un vrai cauchemar auquel vous ne<br />

comprenez rien…<br />

Melle A. : En fait je venais <strong>de</strong> me lever pour aller<br />

boire et je me rendormais juste quand j’ai entendu <strong>de</strong>s<br />

grands booms. J’ai cru d’abord que ça venait <strong>de</strong> la rue<br />

puis en me réveillant vraiment j’ai compris que ça<br />

venait <strong>de</strong> la fenêtre. Puis j’ai vu le ri<strong>de</strong>au, un gros<br />

ri<strong>de</strong>au s’agiter et là j’ai vraiment pensé cette blague, à<br />

un bizutage. Et alors là il est tombé sur mon ventre et<br />

quand j’ai vu le révolver et son visage j’ai commencé<br />

à hurler, plus <strong>de</strong> surprise que <strong>de</strong> peur. Alors il a mis<br />

une main sur ma bouche et l’autre autour <strong>de</strong> ma gorge,<br />

je commençais à étouffer<br />

P : Vous avez pensé quelque chose à ce moment<br />

précis ?<br />

Melle A. : Sur le coup je me suis dit y va m’étrangler<br />

et c’est là qu’il a contre-attaqué. Y m’a dit « chut<br />

taisez-vous, y faut qu’on se cache ». Là je sais pas<br />

comment dire, je danger a été transféré. J’ai lu la<br />

frayeur dans ses yeux, il était terrorisé, j’avais jamais<br />

ressenti une peur comme ça, aussi forte… C’est<br />

comme si il m’avait transmis sa peur… Il a dit « ils<br />

vont nous tuer », Et là j’ai ressenti une sorte <strong>de</strong><br />

mélange d’apaisement et <strong>de</strong> quelque chose qui n’allait<br />

pas et c’est quand il nous a ordonné d’aller sous le lit<br />

et que j’ai vu le révolver que la vague est remontée…<br />

Là je me disais qu’il fallait juste que je me réveille…<br />

P : C’est comme si c’était comme dans un mauvais<br />

rêve ?<br />

Melle A. : <strong>Le</strong> plus horrible, on en a plaisanté avec ma<br />

copine à la fin <strong>de</strong> la colo, elle m’a rappelé que c’est<br />

moi qui avais insisté pour avoir le lit près <strong>de</strong> la<br />

fenêtre. C’est vrai que quand c’est possible je choisis<br />

toujours <strong>de</strong> dormir le plus loin possible <strong>de</strong> la porte, au<br />

cas où quelque voudrait entrer… Ce qui a aussi été<br />

terrible c’est d’attendre sous le lit, complètement<br />

impuissante, que les autres arrivent et nous<br />

découvrent… C’est comme si j’étais pas réveillée et<br />

que c’était pas réaliste… Et lui il faisait <strong>de</strong>s allers et<br />

Reformulation-synthèse <strong>de</strong>s éléments recueillis<br />

jusqu’à présent ; comme il s’agit ici essentiellement <strong>de</strong><br />

reconstituer l’événement, ces temps <strong>de</strong> synthèse ont<br />

pour visée l’élaborer un récit et, à travers celui-ci, <strong>de</strong><br />

proposer <strong>de</strong>s coordonnées qui permettent <strong>de</strong> lui<br />

donner une certaine cohérence.<br />

L’effet escompté est obtenu : la patiente s’est saisie <strong>de</strong><br />

ce récit synthétique puisqu’elle y intègre <strong>de</strong>s éléments<br />

nouveaux qui témoignent <strong>de</strong> ce qu’elle intègre<br />

représentation chronologique et spatiale qui lui a été<br />

proposée.<br />

Son récit en <strong>de</strong>vient plus organisé, les éléments <strong>de</strong><br />

l’événement jusque là livrés <strong>de</strong> façon chaotique<br />

commencent à s’intégrer les uns par rapport aux<br />

autres.<br />

Comme dans tout <strong>travail</strong> d’historiage, à l’instar du<br />

« débriefing <strong>psycho</strong>logique », l’objectif n’est pas que<br />

d’en rester à un récit uniquement factuel ; or comme<br />

un premier moment <strong>de</strong> l’événement semble avoir été<br />

reconstituée <strong>de</strong> façon assez complète, il lui est proposé<br />

<strong>de</strong> faire état d’un autre registre d’expérience.<br />

Ce registre fait surgir <strong>de</strong> nouveaux éléments qui<br />

donnent au récit un grand pouvoir évocateur.<br />

Apparaissent <strong>de</strong>s éléments qui permettent <strong>de</strong> mieux<br />

comprendre la violence <strong>de</strong> l’événement et les effets<br />

très déstructurants qu’il a encore.<br />

Proposition d’une image signifiante générique<br />

qualifiant la forme très particulière d’émotion qu’elle<br />

a ressentie et qui se réfère, au plan sémiologique aux<br />

réactions <strong>de</strong> stress dépassé à forme <strong>de</strong> déréalisation<br />

Fait état d’une expérience paradoxale : elle s’est mise<br />

en danger en se donnant un élément <strong>de</strong> sécurité. Cette<br />

dimension <strong>de</strong> son expérience fera, plus tard dans la<br />

prise en charge, l’objet d’un <strong>travail</strong> spécifique.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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