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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Exemple N° 43<br />

La confrontation à l’agresseur au risque <strong>de</strong> méprise ou <strong>de</strong> malentendu<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Ce n’est pas à proprement parler un exemple précis que nous voudrions évoquer<br />

mais une forme <strong>de</strong> conduite que l’on retrouve avec constance chez les sujets victimés, en<br />

particulier ceux abusés dans leur enfance, l’agresseur étant ou non un parent, et le <strong>travail</strong> <strong>de</strong><br />

guidance qui peut être proposé en réponse.<br />

Il s’agit d’une sorte <strong>de</strong> nécessité qui s’impose progressivement à certains d’entre eux,<br />

d’ailleurs généralement après un long et difficile cheminement, celle <strong>de</strong> reprendre contact<br />

avec « leur » agresseur, que ce soit sous la forme d’une rencontre ou d’un courrier lui étant<br />

adressé.<br />

L’on pourrait penser qu’il s’agit d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> réparation, ou encore <strong>de</strong> justice (qu’il<br />

reconnaisse le mal qu’il a fait), voire d’un désir <strong>de</strong> vengeance. Ce peut être le cas, mais les<br />

motifs s’avèrent souvent en être tout autres car Il s’agit pour ceux-ci <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> ce<br />

qui leur apparait comme une double impasse, une double impossibilité : celle <strong>de</strong> pardonner<br />

et celle <strong>de</strong> rester dans la haine. <strong>Le</strong> pardon exonérerait l’auteur à bon compte, la haine les<br />

aliènerait définitivement à ce <strong>de</strong>rnier. Qu’attendre alors <strong>de</strong> lui ? Rien, pas même le repentir.<br />

Mais là n’est pas véritablement la question, car à écouter avec attention ces sujets, c’est le<br />

<strong>travail</strong> sur eux-mêmes que cela exige qui semble dans les faits véritablement importer ; l’on<br />

pourrait même soutenir que l’auteur n’est qu’un prétexte, et que ses réactions à leur<br />

démarche semble faire office <strong>de</strong> test <strong>de</strong> leur capacité à avoir su conduire à bien leur projet :<br />

si les réactions <strong>de</strong> l’agresseur à leur initiative a quelque importance, c’est en tant qu’elles<br />

attesteront, ou non, <strong>de</strong> la cohérence <strong>de</strong> leur démarche et <strong>de</strong> la pertinence <strong>de</strong>s modalités<br />

selon lesquelles ils l’auront mise en œuvre.<br />

Que peut-on alors concevoir <strong>de</strong>s enjeux pour le victimé d’une telle confrontation ?<br />

Dans la manière dont ces sujets conçoivent cette rencontre, il s’agit pour eux d’éviter <strong>de</strong>ux<br />

écueils majeurs : que l’auteur ne fuie (dans le déni <strong>de</strong> ses actes, ou <strong>de</strong> leur violence, ou <strong>de</strong><br />

leurs conséquences…), ou qu’il les agresse à nouveau, d’une façon ou d’une autre, c’est-àdire,<br />

dans les <strong>de</strong>ux cas, qu’il les renvoie à leur impuissance, et à sa toute-puissance à lui,<br />

comme au temps <strong>de</strong>s actes.<br />

L’on comprend alors qu’il s’agit pour ces sujets <strong>de</strong> mettre à l’épreuve leur capacité à<br />

affronter l’agresseur sans cette fois se laisser abuser ni par ses comportements ni ses<br />

paroles, mais sans toutefois avoir eux-mêmes recours à une quelconque forme <strong>de</strong> violence :<br />

<strong>de</strong> ne plus se laisser ustensiliser par lui et, se dégageant <strong>de</strong> la place qu’il leur avait assigné, <strong>de</strong><br />

finalement le renvoyer à son propre <strong>de</strong>stin. Ce qui les confirmera dans leur propre capacité à<br />

s’être dégagé <strong>de</strong> son emprise sera son impossibilité, à lui, <strong>de</strong> ne pas pouvoir ne pas entendre<br />

ce qu’elles ont à lui dire.<br />

L’on peut alors comprendre cette forme <strong>de</strong> démarche comme une tentative d’autorestauration<br />

se fondant sur l’affirmation <strong>de</strong> leurs valeurs personnelles retrouvées ou<br />

recréées, le refus tant <strong>de</strong> la haine que du pardon signant une liberté reconquise, celle d’être<br />

à nouveau en accord avec leurs convictions profon<strong>de</strong>s.<br />

L’on conçoit ce qu’une telle démarche peut avoir <strong>de</strong> précaire et <strong>de</strong> dangereux car si<br />

elle échoue, le risque est qu’elles n’en reviennent encore plus vulnérables qu’elles ne<br />

l’étaient avant.<br />

Quant à l’accompagnement que <strong>de</strong> telles initiatives nécessitent, il n’est pas aisé à concevoir.<br />

A l’expérience, pas plus qu’il n’apparaît souhaitable <strong>de</strong> les encourager à une telle initiative,<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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