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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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C’est qu’en effet l’hystérie ne se laisse pas aisément appréhen<strong>de</strong>r par le modèle anatomopathologique<br />

: la réversibilité <strong>de</strong>s phénomènes d’hystérie locale a fortement ébranlé la thèse<br />

lésionnelle. Cependant Charcot, restant fidèle à ses conceptions, ne renonce pas à ce paradigme mais<br />

doit réviser la conception qu’il s’en faisait jusqu’alors et imaginer une « lésion corticale dynamique »,<br />

certes réversible, mais produisant néanmoins les mêmes effets qu’une lésion physique avérée. Qu’on<br />

ne s’y trompe pas, les thèses <strong>de</strong> T. Ribot qui vont dès lors souvent servir <strong>de</strong> référence ne sont pas<br />

une concession à la <strong>psycho</strong>logie et un renoncement à la neurologie : car il faut bien entendre que<br />

pour Charcot la <strong>psycho</strong>logie n’est rien d’autre que la physiologie d’une partie du cerveau », en<br />

l’occurrence le cortex.<br />

Cependant, presque pas à pas, s’impose à lui l’idée que c’est moins le choc traumatique et la<br />

supposée atteinte lésionnelle, fut-elle fonctionnelle et qui lui serait consécutive, qui seraient<br />

responsables <strong>de</strong>s phénomènes hystériques locaux, que ce que ce choc a comme effets sur le<br />

fonctionnement du psychisme.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Comment en est-il arrivé à une telle conclusion ? C’est d’abord le cas d’un homme dénommé<br />

Pinaud qui souffre d’une paralysie du bras gauche ne correspondant à aucune <strong>de</strong>s formes<br />

répertoriées <strong>de</strong> paralysie organique, et pour laquelle toutes les hypothèses ont été explorées. A la<br />

suite d’une série d’attaques déclenchées, il se réveille un matin ayant retrouvé l’usage <strong>de</strong> son bras.<br />

Dans un but pédagogique, lors <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong> ses leçons, Charcot va tenter <strong>de</strong> reproduire<br />

artificiellement cette paralysie. Il y parvient pour 24 heures et, fait remarquable, contrairement à<br />

l’habitu<strong>de</strong>, la suggestion n’est pas faite sous hypnose mais à l’état vigile. Si cet exemple lui sert à<br />

démontrer qu’il est possible, d’une part <strong>de</strong> différencier les paralysies hystériques <strong>de</strong>s paralysies<br />

organiques autres, d’autre part à saisir la similitu<strong>de</strong> entre la paralysie hystérique et la paralysie<br />

suggérée, il ouvre à la question du mécanisme commun à ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières. Car il subsiste un point<br />

inexpliqué d’importance : si les symptômes sont i<strong>de</strong>ntiques, leurs modalités <strong>de</strong> production sont aussi<br />

dissemblables que possible, - un agent traumatique d’un côté, - une suggestion verbale <strong>de</strong> l’autre.<br />

<strong>Le</strong> second cas, étudié en mai 1885, est celui d’un nommé Porczenska, cocher <strong>de</strong> fiacre âgé <strong>de</strong> 25 ans.<br />

Jeté à bas <strong>de</strong> son siège par l’emballement <strong>de</strong> son cheval, il développe dans les jours suivants une<br />

paralysie du bras droit qui pose question à différents spécialistes. Charcot étudie donc le cas avec<br />

une particulière attention. Ayant écarté les principales hypothèses <strong>de</strong> lésions nerveuses articulaires,<br />

spinales ou cérébrales d’origine traumatique, il se voit contraint <strong>de</strong> concevoir une autre piste qui,<br />

pour le neurologue qu’il est avant tout, n’est envisageable que dans le strict cadre <strong>de</strong> processus<br />

ayant un substrat organique. Mais autant l’absence <strong>de</strong> lésion même dynamique ou fonctionnelle<br />

(c’est-à-dire sans localisation), est-elle inimaginable, autant cette paralysie échappe aux schémas<br />

connus. Ses caractéristiques conduisent cependant Charcot à imaginer une lésion localisée dans<br />

l’écorce grise <strong>de</strong> l’hémisphère cérébral opposé à la paralysie. Mais ce qui préoccupe là encore<br />

Charcot c’est que, comparant cette paralysie à une paralysie similaire présentée par un autre patient,<br />

mais induite sous hypnose, il se heurte à un problème qu’il n’avait pas imaginé et qui semble<br />

insurmontable : comment <strong>de</strong>ux symptômes en apparence exactement similaires, ont-ils pu être<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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