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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

La question, point <strong>de</strong> départ à cette réflexion, est en elle-même déjà significative : « dans un tel<br />

dispositif, le <strong>psycho</strong>logue peut-il choisir dans sa pratique une orientation psychanalytique sans la<br />

bra<strong>de</strong>r ? » (Ibid., p. 121). Quant à la réponse, elle se décline en trois points :<br />

- contre une clinique <strong>de</strong> l’urgence qui exclurait « toute possibilité <strong>de</strong> questionnement et<br />

d’énonciation subjective », « aller voir du côté du réel restant un choix du sujet : une forme<br />

d’objection au discours dominant actuel ». D’où un premier impératif, celui <strong>de</strong> « ne pas s’inscrire<br />

dans cette lignée <strong>de</strong> spécialistes qui <strong>de</strong>vancent la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » (ibid., p. 122) ;<br />

- distinguer l’urgence subjective <strong>de</strong> l’urgence sociale (l’urgence <strong>de</strong> « l’Autre social ») qui « somme la<br />

personne <strong>de</strong> dire sa douleur dans une démarche externe » ; cela, écrit-il, « a été une difficulté<br />

intrinsèque à notre dispositif, car souvent la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sujets reçus était induite par nos<br />

partenaires » ;<br />

- « ne pas assigner à une place <strong>de</strong> <strong>victime</strong>, parce qu’il n’y a rien à attendre <strong>de</strong> cela, mais plutôt<br />

essayer d’entendre la façon dont un sujet rend compte <strong>de</strong> sa traversée <strong>de</strong> l’expérience<br />

traumatique. Nous pensons que ce n’est pas d’un dédommagement dont le sujet a besoin, mais<br />

plutôt d’une dialectisation : ne pas viser la réparation, mais une séparation avec la fascination<br />

qu’exerce pour le sujet le traumatisme » (ibid., p. 123).<br />

Il en est <strong>de</strong> même <strong>de</strong> tout un ensemble d’auteurs, comme P. Gutton qui écrit, toujours à propos<br />

d’AZF :<br />

Répétons-le c’est le fonctionnement <strong>psychique</strong> qui m’occupe et non la corrélation plus ou moins<br />

experte avec la matérialité <strong>de</strong>s faits. <strong>Le</strong> clinicien soigne la psyché, il n’est pas l’expert. Son <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> se<br />

dégager <strong>de</strong> la cause contraste avec tout <strong>de</strong> qu’impose « l’état <strong>de</strong> <strong>victime</strong> » : la nécessité <strong>de</strong> la preuve,<br />

le montage <strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> préjudice réclamé par les bienfaiteurs et les assurances (privées et<br />

sociales). 1<br />

Ceci au prix d’un clivage qui n’a pas échappé à l’auteur :<br />

La chose extérieure <strong>de</strong>vrait être abandonnée au bénéfice résolu <strong>de</strong> l’écoute <strong>de</strong> la causalité interne<br />

<strong>psychique</strong>, précisément ce qu’il en reste dans la pathologie traumatique[…] Cette décision (…) peut<br />

surprendre ; elle est justifiée par la volonté d’écoute exclusive <strong>de</strong> ce que vit le sujet souffrant, <strong>de</strong> ce<br />

qu’il révèle <strong>de</strong> ce qu’il ressent et pense […] Sa démarche (celle du psychanalyste) suppose un<br />

renoncement (douloureux) à une vue d’ensemble <strong>de</strong> ce qui se passe ; la restriction du champ <strong>de</strong> son<br />

<strong>travail</strong> est néc<strong>essai</strong>re à une écoute qui se veut aiguë quant à ce qui est entendu et se manifeste <strong>de</strong> la<br />

vie <strong>psychique</strong>. Ce clivage volontaire et difficile entre l’éthique d’une écoute centrée sur les souffrances<br />

d’un sujet et celle <strong>de</strong> citoyen attentif aux droits <strong>de</strong> l’homme est une prise <strong>de</strong> position à contre-courant<br />

<strong>de</strong> la vie quotidienne. 2<br />

Véritable rabattement <strong>de</strong> la souffrance aux aléas d’une « vie <strong>psychique</strong> » réduite aux seuls<br />

mouvements internes supposés l’animer et totalement déliée <strong>de</strong>s possibles effets <strong>de</strong> sa réalité<br />

sociale, le moindre <strong>de</strong>s paradoxes <strong>de</strong> ces positions est qu’elles se soutiennent <strong>de</strong> rencontres<br />

cliniques qui n’aurait sans doute jamais eu lieu si la mise en place <strong>de</strong>s dispositifs qu’elles<br />

dénoncent ne les avaient rendues possibles.<br />

1 P. Gutton, In S Pechikoff, B. Doray, O. Douville, P. Gutton (2004) : Toulouse/AZF. Essai sur le traumatisme et<br />

la tiercéité, La Dispute, p. 56.<br />

2 Ibi<strong>de</strong>m, p. 53.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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