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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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<strong>de</strong> l’époque offre <strong>de</strong>s exemples se voulant édifiants, d’ailleurs souvent repris d’auteurs en auteurs,<br />

d’enfants alléguant d’agressions sexuelles dont la matière a été suggérée souvent involontairement<br />

par <strong>de</strong>s adultes, et dont le dénouement est invariablement le même : une autorité médicale a<br />

l’attention attirée par un élément lui semblant suspect et parvient à faire reconnaître à l’enfant son<br />

mensonge.<br />

Quant aux procédés employés par le mé<strong>de</strong>cin, ils ne sont jamais discutés comme tels et leur<br />

caractère pour le moins suggestif n’est jamais lui-même questionné. Ainsi Dupré écrivait-il à propos<br />

d’une situation <strong>de</strong> cet ordre : « Finalement, pressé <strong>de</strong> questions, le garçonnet avoua que tout n’était<br />

que mensonge dans ses dires, et qu’il n’avait raconté toutes ces histoires qu’à force <strong>de</strong> s’en entendre<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r et même exiger l’aveu par ses parents. (p. 26)<br />

Un autre exemple, donné par Fournier, en offre une illustration d’autant plus détaillée que les<br />

procédés employés sont totalement justifiés, selon leur auteur, par l’erreur judiciaire qu’ils ont<br />

permis d’éviter, pour le suspect s’entend. Précisons en outre qu’il ne disposait d’absolument aucun<br />

mandat judiciaire et n’avait pour tache que <strong>de</strong> soigner l’enfant, hospitalisé dans son service. Il justifie<br />

ainsi son action :<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

La chose était grave puisque l’honneur d’un homme, d’une famille peut-être, se trouvait en jeu. Mais<br />

comment pénétrer le mystère ? Comment démêler le vrai du faux et faire la part <strong>de</strong> l’un et <strong>de</strong> l’autre<br />

dans cette ténébreuse affaire ? Je m’y essayais cependant, me disant qu’après tout, avec l’adresse, <strong>de</strong><br />

la patience, <strong>de</strong> l’obstination, je parviendrais bien peut-être à avoir raison d’un petit cerveau <strong>de</strong> huit<br />

ans. Je procédais par un siège en règle et par voie <strong>de</strong> captation, pardonnez-moi le mot. J’attaquais la<br />

place par force amitiés, complaisances, compliments, etc. Quelques gourmandises, quelques pièces <strong>de</strong><br />

monnaie, réussirent à nous gagner la confiance et l’amitié <strong>de</strong> la petite mala<strong>de</strong>. J’abrégerai. Une<br />

poupée aux yeux mobiles décida <strong>de</strong> mon triomphe. Vaincue par cette irrésistible munificence, l’enfant<br />

finit, avec beaucoup <strong>de</strong> peine et après beaucoup <strong>de</strong> temps, par raconter qu’elle n’avait pas été<br />

touchée par un monsieur, mais que sa mère, à trois reprises, lui avait frotté la partie avec une brosse à<br />

cirage, en lui défendant bien d’en rien dire à personne et en la menaçant <strong>de</strong> recommencer si elle le<br />

disait, etc.<br />

Ce qui suivit fut alors très simple. Maître <strong>de</strong> la vérité, je mandais à l’hôpital la mère <strong>de</strong> l’enfant ; je lui<br />

fis part <strong>de</strong> notre découverte, en ajoutant que, si elle ne retirait pas sa plainte, j’aurais l’obligation<br />

formelle d’aller raconter au juge d’instruction l’histoire <strong>de</strong> la « brosse à cirage ». 1<br />

Et il conclut ainsi sa magistrale démonstration :<br />

Mé<strong>de</strong>cin je n’avais qu’à traiter l’enfant ; on ne m’en <strong>de</strong>mandait pas d’avantage. Pour éclairer ma<br />

religion, pour m’instruire et instruire mes élèves, je suis allé plus loin. J’ai voulu, et cela sous la<br />

condition <strong>de</strong> ne pas dépasser les limites du respect dû à l’enfance, -j’ai voulu, dis-je, connaître<br />

l’étiologie exacte <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts que j’avais sous les yeux, et j’y suis parvenu on sait comment en me<br />

doublant du rôle inquisiteur du juge d’instruction. De cela je suis loin <strong>de</strong> me repentir, puisque tout le<br />

mon<strong>de</strong> (le simulateur à part), en a profité. 2<br />

L’extrême suggestibilité <strong>de</strong> l’enfant, la paresse <strong>de</strong> sa volonté, son inconscience <strong>de</strong>s conséquences <strong>de</strong><br />

ses accusations, participent ensemble <strong>de</strong> son activité mythopathique naturelle. Et l’on voit au<br />

passage ce qu’il en était alors <strong>de</strong>s « limites du respect dû à l’enfant ».<br />

1 A. Fournier (1880) : Simulation d’attentats vénériens sur <strong>de</strong> jeunes enfants, p. 520.<br />

2 Ibid. p. 506.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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