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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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troubles observés, l’hypothèse névropathique. Il ne s’agit certes pas <strong>de</strong> simulateurs, « mais ils<br />

tendront à le <strong>de</strong>venir » car « exagérateurs par constitution ils sont prêts à <strong>de</strong>venir simulateurs ». Il<br />

écrit :<br />

L’épine pathologique existe, mais elle est du domaine <strong>psychique</strong>. <strong>Le</strong>s antécé<strong>de</strong>nts du sujet, la genèse<br />

<strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nt nous indiquent ce que l’efficacité curative <strong>de</strong> simples manœuvres <strong>psycho</strong>thérapiques<br />

nous confirme : nous avons affaire à <strong>de</strong>s névropathes, à <strong>de</strong> ces sujets que l’on convenait jadis <strong>de</strong><br />

qualifier d’hystériques.<br />

<strong>Le</strong>urs antécé<strong>de</strong>nts nous en révèlent plus ou moins les tares, et le traumatisme, qui a déterminé les<br />

troubles qu’ils présentent, est d’ordre moral. C’est au choc émotionnel, consécutif à la commotion, qui<br />

leur a suggéré leur aphonie, leur paralysie, leur tremblement, comme c’est la débilité <strong>de</strong> leur contrôle<br />

et <strong>de</strong> leur volonté, qui leur fait accepter <strong>de</strong> façon durable ce trouble imaginaire.<br />

Mais, du fait <strong>de</strong> la guerre, du fait que c’est un acci<strong>de</strong>nt violent, explosion d’obus ou <strong>de</strong> mine, qui les a<br />

primitivement suggestionnés, leur conviction est plus profon<strong>de</strong> et plus plausible sont les raisons qui<br />

entretiennent leur imagination maladive… Et leur trouble adopte, presque toujours, l’indication que lui<br />

a fourni l’acci<strong>de</strong>nt : suggestionnables par tempérament, plus que jamais réceptifs à cette minute où<br />

l’émotion si intense a effacé tout leur contrôle, restera plicaturé celui que l’on déterrera <strong>de</strong><br />

l’éboulement plié en <strong>de</strong>ux, restera trémulant celui que l’on retrouvera égaré et tremblant sous le coup<br />

<strong>de</strong> l’effroi. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

C’est ici à la suggestibilité comme caractère prédisposant qu’est accordée la prééminence dans le<br />

processus <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s symptômes, alors que la psychiatrie classique se centrera bien plus sur<br />

l’émotion et ses effets désorganisateurs.<br />

Ainsi, dans le prolongement <strong>de</strong> la doctrine du pithiatisme, c’est la violence <strong>de</strong> la commotion<br />

<strong>psychique</strong> qui a suggéré d’autant plus fortement au sujet qu’il souffrait <strong>de</strong> ses troubles. La réponse<br />

thérapeutique est alors en toute logique basée sur le principe <strong>de</strong> la contre suggestion. Et il conclut,<br />

péremptoire: « le seul qui se fâche, c’est le simulateur absolu. » (p. 217)<br />

De pithiatique à simulateur potentiel, <strong>de</strong> simulateur potentiel à simulateur véritable, le<br />

glissement est d’autant plus aisé que d’une part, comme dans toute guerre, le pire <strong>de</strong>s crimes est <strong>de</strong><br />

tenter par tous les moyens <strong>de</strong> fuir le front (et il ne manque sans doute pas <strong>de</strong> soldats faisant tout<br />

pour échapper aux horreurs <strong>de</strong>s combats), et d’autre part que l’entité pathologique <strong>de</strong> référence, le<br />

pithiatisme, avait été conçue sur une ambiguïté majeure.<br />

Dans cette logique il n’y a qu’une alternative : soit les troubles ne disparaissent pas rapi<strong>de</strong>ment sous<br />

traitement contre-suggestif et le sujet est un simulateur, soit ils s’amen<strong>de</strong>nt et le sujet est<br />

hystérique. Mais le distinguo est subtil car dans la conception pithiatique <strong>de</strong> l’hystérie, le sujet est<br />

également un simulateur, puisqu’il présente les symptômes d’une maladie dont il ne souffre en<br />

réalité pas. Entre un vrai mala<strong>de</strong> d’une fausse maladie et un faux mala<strong>de</strong> d’une vraie maladie la<br />

différence semblera à beaucoup bien trop subtile pour être totalement recevable, et l’assimilation <strong>de</strong><br />

l’un à l’autre offrira un raccourci d’autant plus facile que l’hystérique, même reconnu comme un<br />

mala<strong>de</strong>, reste au fond dans les esprits gran<strong>de</strong>ment responsable <strong>de</strong> son état ; car pourquoi n’est-il pas<br />

suggestible à l’élan patriotique sensé transporter tout citoyen en temps <strong>de</strong> guerre ?<br />

Des auteurs s’érigeront contre cette assimilation qu’ils jugent bien trop simplificatrice au regard <strong>de</strong> la<br />

clinique. Ainsi P. Voivenel s’efforce-t-il <strong>de</strong> différencier la simulation <strong>de</strong> la volonté : la simulation<br />

1 A. Gilles (1917) : L’hystérie et la guerre. Troubles fonctionnels par commotion. <strong>Le</strong>ur traitement par le<br />

torpillage, AMP, N°8, p. 211.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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