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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

l’on est au plus près du débor<strong>de</strong>ment du pare-excitations, avec ses effets désorganisateurs , sinon<br />

<strong>de</strong>structeurs, immédiats et massifs.<br />

De plus, ces réactions ne font pas, comme chez Freud, l’objet d’une mise en latence pour, seulement<br />

dans l’après coup et à la lumière <strong>de</strong>s nouvelles significations qu’il tenait du passage par la puberté,<br />

prendre véritablement le sens nouveau d’un événement débordant par l’excitation qu’il provoquait<br />

alors, valeur traumatique ; c’est dans la continuité <strong>de</strong>s premières réactions que se mettent en place<br />

très rapi<strong>de</strong>ment d’autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> survie portant la marque du traumatisme initial<br />

<strong>Le</strong> traumatisme ferenczien ne renvoie manifestement pas à un conflit <strong>psychique</strong> inconscient, comme<br />

chez Freud où c’est le sexuel qui est au fond traumatique dans les motions contradictoires qu’il<br />

suscite chez le névrosé, mais à une violence dont il décrit à la fois les effets dévastateurs qu’elle peut<br />

avoir sur le psychisme <strong>de</strong> l’enfant et les modalités pathologiques d’y survivre.<br />

En outre, ce n’est pas seulement que Ferenczi réactualise l’importance <strong>de</strong> la séduction dans<br />

l’étiologie <strong>de</strong>s névroses, ce n’est pas seulement qu’il en précise les conditions <strong>psycho</strong>logiques <strong>de</strong><br />

possibilités, c’est qu’il en fait un processus essentiellement relationnel. Ce ne sont pas en premier<br />

lieu les manifestations pathologiques dont va souffrir ultérieurement l’adulte qui lui importent, ou du<br />

moins pas selon les modalités dont on en rend habituellement compte en psychanalyse : ce sont les<br />

effets <strong>de</strong>s abus dont il démontre le pouvoir pathogène, hors toute fixation à un conflit <strong>psychique</strong><br />

infantile. Il y a certes une clinique <strong>de</strong> l’adulte, mais c’est celle <strong>de</strong> l’enfant en tant qu’il a été abusé.<br />

Chez Ferenczi, le patient ne souffre pas <strong>de</strong>s retombées symptomatiques d’un conflit <strong>psychique</strong><br />

inconscient, c’est-à-dire d’une névrose, mais <strong>de</strong>s conséquences que les stratégies <strong>de</strong> survie<br />

<strong>psychique</strong> et physique qu’il a été contraint <strong>de</strong> développer, dans son enfance, pour faire face à <strong>de</strong>s<br />

abus et leur déni par <strong>de</strong>s adultes proches, continuent d’avoir sur lui ; il est ainsi mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

survivance active <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’adaptation aux situations extrêmes auxquelles il a été soumis. Ces<br />

mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> survie, dans la mesure où ils ont pour fonction <strong>de</strong> rendre « supportable » ce qui était<br />

mortifère, doivent, pour avoir une certaine efficacité, intégrer en partie <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> conditions<br />

<strong>de</strong>s abus ; ce que l’on a dénommé ailleurs syndrome d’adaptation, syndrome <strong>de</strong> Stockholm 1 … ; et en<br />

cela, ils ne peuvent que préparer à d’autres agressions.<br />

Pour qu’il y ait trauma, au sens ferenczien du terme, il faut donc qu’un certain nombre <strong>de</strong><br />

paramètres cliniques exclus explicitement par Freud, pour élaborer sa théorie fantasmatique <strong>de</strong> la<br />

névrose et <strong>de</strong> l’effet d’après-coup, aient été repris en considération : effets immédiats dévastateurs<br />

relayés ou dupliqués dans la continuité par <strong>de</strong>s effets durables… effets délétères <strong>de</strong> son désaveu par<br />

l’entourage, i<strong>de</strong>ntification à l’agresseur, mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> survie plus <strong>psycho</strong>tiques que névrotiques, pour<br />

autant qu’une telle terminologie ait ici un sens, à forme d’éclatement, <strong>de</strong> déni, <strong>de</strong> clivage… La<br />

clinique que construit Ferenczi, c’est celle dont Freud a récusé l’existence au profit <strong>de</strong> l’effet d’aprèscoup<br />

: une clinique <strong>de</strong> la névrose traumatique chez l’enfant ou, plus exactement, une clinique <strong>de</strong> la<br />

confusion <strong>de</strong> langue et <strong>de</strong> son désaveu.<br />

Définitivement, Freud et Ferenczi ne parlent pas du même trauma, ou plus justement : s’ils ne<br />

parlent pas du même trauma c’est qu’ils ne parlent pas <strong>de</strong>s mêmes patients, encore que l’on doive<br />

s’interroger sur l’homogénéité du corpus clinique freudien à la lecture attentive <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ses<br />

« étu<strong>de</strong>s ». L’on pensera notamment à Emma, dont l’on notera que la levée <strong>de</strong> son amnésie est bien<br />

1 Voir à ce propos les analyses que P. Sabourin développe <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> Ferenczi.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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