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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

propos la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s Twin Towers <strong>de</strong> Manhattan ; et <strong>de</strong> déplorer que « <strong>de</strong> la catastrophe, nous<br />

n’ayons rien appris ».<br />

D’où vient plus précisément son étonnement ? De ce que, dans le long laps <strong>de</strong> temps séparant ces<br />

<strong>de</strong>ux événements catastrophiques, la science est sensée nous avoir enseigné, sinon irréfutablement<br />

prouvé, que la nature, à la différence <strong>de</strong> Dieu, n’a pas d’intentions : ni bienveillante, ni malveillante à<br />

l’égard <strong>de</strong> l’homme, elle suit en quelque sorte son bonhomme <strong>de</strong> chemin, sa logique propre qui n’a<br />

que faire <strong>de</strong> ceux qui « l’habitent ». C’est à eux <strong>de</strong> se prémunir contre ses désordres s’ils en sont<br />

dérangés et mécontents.<br />

Que ne voit ainsi pas Dupuis ? C’est que le fait <strong>de</strong> dénommer une catastrophe « naturelle » revient<br />

déjà à instruire un procès en responsabilité ; responsabilité particulière puisqu’elle n’implique<br />

aucune intention, responsabilité malgré tout puisque la qualifier ainsi revient à lui attribuer une<br />

origine, qui ne suppose pas <strong>de</strong> volonté ou <strong>de</strong> motif particulier, une cause sans raison.<br />

Et c’est en cela précisément qu’elle peut être spécifiquement source d’interrogations sans fin, car<br />

l’absence <strong>de</strong> raison peut être bien pire que la pire <strong>de</strong>s raisons. La catastrophe dite naturelle peut<br />

ainsi <strong>de</strong>venir une figure <strong>de</strong> l’arbitraire le plus insupportable, que ce soit sous la forme du <strong>de</strong>stin ou du<br />

hasard, ou du courroux divin.<br />

2.3.5.2. De la qualification<br />

De manière semblable, la question <strong>de</strong> la qualification peut sembler ne pas concerner les<br />

<strong>victime</strong>s <strong>de</strong> catastrophes naturelles puisque la problématique du délit et <strong>de</strong> sa définition y semble a<br />

priori absente. Elle y trouve pourtant son exact équivalent dans la dénomination même <strong>de</strong><br />

catastrophe, qui vient désigner un désordre particulier : non bien sûr une atteinte à l’ordre public<br />

telle que définie par tel article <strong>de</strong> tel co<strong>de</strong>, mais une anomalie dans l’ordre du mon<strong>de</strong> dit « naturel »,<br />

dont la désignation précise vient y prendre la même place, et pour le victimé y jouer la même<br />

fonction. Tremblement <strong>de</strong> terre, raz <strong>de</strong> marée, inondation…, in<strong>de</strong>xés <strong>de</strong> surcroît d’un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

gravité suivant telle ou telle échelle, représentent l’exact équivalent d’une qualification juridique, à<br />

ceci près que ce qui fait référent signifiant n’est pas un co<strong>de</strong>, mais un certain ordre ou<br />

ordonnancement attendu du mon<strong>de</strong> naturel définitoire d’atteintes aux lois <strong>de</strong> la nature, ou du moins<br />

à l’idée que nous nous formons d’elle.<br />

L’importance <strong>de</strong> la qualification trouve son répondant dans la « fonction d’énonciation » dévolue par<br />

L. Crocq aux médias (2002d), en ce qu’elle désigne et propose une représentation <strong>de</strong> ce qui est<br />

survenu à la collectivité. L’exemple <strong>de</strong>s effets délétères engendrés par l’absence d’une telle<br />

énonciation, faisant office <strong>de</strong> qualification, fut fourni par les médias à la suite <strong>de</strong>s attentats du 11<br />

septembre 2001 où défilèrent pendant <strong>de</strong>s heures sans le moindre commentaire les images <strong>de</strong>s<br />

avions s’écrasant sur les tours, jusqu’à leur l’effondrement.<br />

L’on a pu également observer le phénomène contraire après le tsunami <strong>de</strong> 2004. S’il a suscité autant<br />

<strong>de</strong> commentaires c’est bien sûr en raison <strong>de</strong> son impact <strong>de</strong>structeur hors toutes mesures<br />

communes (28000 morts et disparus); mais aussi très certainement parce que nos sociétés<br />

occi<strong>de</strong>ntales découvraient littéralement là une forme nouvelle, jusqu’alors inconnue d’elles, <strong>de</strong><br />

catastrophe. Face à une sorte <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> engendré par le manque <strong>de</strong> références permettant d’en<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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