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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

car une opinion, <strong>de</strong> surcroit qualifiée <strong>de</strong> proche d’un fantasme, même formée dans le contretransfert,<br />

est essentiellement affaire <strong>de</strong> choix, d’option personnelle, mais ne relève certainement pas<br />

d’un point <strong>de</strong> vue étayé par la clinique. Serait-ce que différencier un souvenir traumatique et un<br />

fantasme ne relèverait d’aucune expérience professionnelle ni d’aucune récursivité ?<br />

<strong>Le</strong> plus étonnant vient <strong>de</strong> ce que cette « opinion » puisse être d’abord conçue comme doute du<br />

patient puis comme fantasme du thérapeute, opérant une sorte <strong>de</strong> clivage entre les <strong>de</strong>ux, ce qui<br />

interdit <strong>de</strong> penser, sinon comme problème contre-transférentiel d’un doute qui ne <strong>de</strong>vrait pas être,<br />

ce qui se joue là. L’opinion du thérapeute serait un obstacle au <strong>travail</strong> d’élaboration. Mais alors, doitil<br />

cesser <strong>de</strong> se poser la question ou bien doit-il se doter <strong>de</strong> critères cliniques pour étayer ou infirmer<br />

une première « opinion » et, en cas <strong>de</strong> réponse affirmative, lesquels ?<br />

En réponse, L. De Urtubey en revient finalement à son point <strong>de</strong> départ : « La réalité <strong>psychique</strong> est, en<br />

soi, tout comme la réalité externe, indécidable. Cependant, dans la cure, nous avons besoin d’opter<br />

et nous le faisons régulièrement » (p. 99). Et pour conclure une illustration clinique <strong>de</strong> ce processus,<br />

elle écrit : « Sans le crédit que j’avais accordé à mon sentiment contre-transférentiel, tout cela n’eut<br />

pu être élaboré » (p. 99). D’autres encore, comme F. Chaumon, s’en réfèrent alors à l’éthique et à<br />

l’expérience pour en conclure qu’il reviendra au thérapeute, et à lui seul, « <strong>de</strong> savoir s’il assume la<br />

position transférentielle dans laquelle le place le patient » (2005, p. 33)<br />

Au fond, mettre en avant l’une et l’autre sans préciser sur quels éléments cliniques précis se forme<br />

l’option prise, c’est en rester à une sorte <strong>de</strong> pratique occulte parce que ne pouvant, ou se refusant, à<br />

analyser ses critères implicites (mais que l’on peut espérer tout à fait cliniquement observables) sur<br />

lesquels se fon<strong>de</strong> l’option prise ; sinon, <strong>de</strong>vrait-on en conclure que l’on lit dans son contre-transfert<br />

comme on lit dans les cartes ou les lignes <strong>de</strong> la main ?<br />

<strong>Le</strong> dilemme sera résolu, au moins en théorie, si l’on admet que le praticien développe à<br />

l’égard <strong>de</strong>s dits du patient une double écoute et une double analyse :<br />

- celle <strong>de</strong> la possible inscription <strong>de</strong>s faits relatés dans un cadre normatif (juridique ou socio-moral ou<br />

autre) qui permette d’y soutenir à ce plan <strong>de</strong> la véracité <strong>de</strong>s faits et qui permet <strong>de</strong> croire, dans le<br />

récit qu’il en offre, le sujet comme témoin <strong>de</strong> l’invraisemblable et <strong>de</strong> l’insupportable <strong>de</strong> ce qu’il a<br />

vécu ;<br />

- celle <strong>de</strong> son vécu <strong>de</strong>s faits qui relève, quant à lui, <strong>de</strong> sa subjectivité, dont la nature <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

défenses qu’il met en œuvre pour s’en dégager.<br />

3.2.2.3. Un engagement parfois néc<strong>essai</strong>re<br />

La question victimale n’est pas, on l’aura compris, celle du pulsionnel, mais celle que J.<br />

Gortais (1999) avait nommé, à propos du viol, le « déni d’altérité », G. Lopez l’exclusion symbolique<br />

(1997), C. Damiani (2004), dans le prolongement <strong>de</strong> C Barrois, la « rupture communautaire » ; ou ce<br />

qu’O. Douville (2009), dans la perspective anthropologique qui est la sienne, désigne comme celle <strong>de</strong><br />

sujets pris dans une « mélancolie du lien ». Car même si cela n’a pu se jouer que l’espace d’un<br />

instant, la question victimale est, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l’injustice, question d’atteinte au lien unissant le<br />

sujet au mon<strong>de</strong> et à sa collectivité ; et cela plus encore quand les institutions sensées le restaurer<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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