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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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<strong>de</strong>ux ans et <strong>de</strong>mi après celle-ci, l’auteur s’attachant à dégager les conséquences aussi bien au plan<br />

« intime » que social <strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nt sur leur existence à cette <strong>de</strong>rnière date.<br />

L’émotion, ici éprouvée par 14 rescapés qui, à Courrières, furent sauvés 20 jours après<br />

l’effondrement <strong>de</strong> la mine, est mentionnée comme « principal facteur <strong>psychique</strong> pathogène » :<br />

<strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> rivalisa <strong>de</strong> marques <strong>de</strong> pitié pour les pauvres gens qui avaient du supporter jusqu’à leur<br />

sauvetage d’indicibles souffrances. En effet c’avait été pour les 14 un martyr inouï que ce séjour <strong>de</strong> 3<br />

semaines dans une mine sombre, menaçant à chaque instant <strong>de</strong> s’écrouler, au milieu <strong>de</strong>s cadavres en<br />

pourriture <strong>de</strong> leurs amis et <strong>de</strong> leurs camara<strong>de</strong>s, sans nourriture et sans eau, parmi d’extrêmes fatigues<br />

physiques et avec l’espoir chaque jour disparaissant du salut. Ce séjour <strong>de</strong>vait laisser longtemps<br />

encore <strong>de</strong>s marques profon<strong>de</strong>s dans l’esprit et le corps <strong>de</strong> ces mineurs. Mais malgré le grand intérêt<br />

qu’avait excité leur sauvetage inespéré, on s’inquiéta très peu d’eux dans la suite. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Tous ont quitté la mine car, relate l’auteur, « aucun d’eux n’a pu surmonter la terreur » que<br />

l’expérience leur a fait vivre : 6 sont restés au service <strong>de</strong> la Mine mais dans <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> surface<br />

bien moins rémunérés, l’un est parti pour l’Amérique « où il se montre pour <strong>de</strong> l’argent comme<br />

rescapé <strong>de</strong> Courrières ». Ainsi, « la plupart semblent avoir gardé dans leur esprit une marque<br />

indélébile. Ce sont d’autres hommes ». Quant au plan physique, c’est leur constitution toute entière<br />

qui en a été affectée et ils présentent <strong>de</strong>s « troubles somatiques et nerveux profonds : céphalgies,<br />

fatigabilité, sueurs faciles, diarrhées, etc. ». Trois souffrent <strong>de</strong> névrose traumatique dont 2 <strong>de</strong> type<br />

hystérique ; tous <strong>de</strong> ralentissement, d’apathie, <strong>de</strong> fatigabilité, d’a-dynamisme extrême. L’auteur note<br />

également :<br />

<strong>Le</strong>ur attitu<strong>de</strong> vis-à-vis <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> la catastrophe aussi est inattendue. Ils n’en parlent pas<br />

volontiers, et ils répon<strong>de</strong>nt très brièvement aux questions sur ce sujet. On a l’impression d’une<br />

angoisse profon<strong>de</strong> dissimulée, trop forte pour que celui qui l’éprouverait puisse en donner en parole<br />

une représentation objective. 2<br />

Parmi <strong>de</strong> multiples considérations, l’on peut relever le constat que la « névrose phobique »<br />

semble être la plus caractéristiques <strong>de</strong>s névroses <strong>de</strong> catastrophe :<br />

Entre les stigmates nerveux corporels, elle se distingue par la place prépondérante que prend la<br />

représentation impressionnante et fixe <strong>de</strong> la catastrophe dans l’esprit du mala<strong>de</strong>. Il vit dans l’angoisse<br />

constante <strong>de</strong> l’attente. Son sommeil est par suite très agité et troublé par <strong>de</strong>s songes terrifiants.<br />

Souvent il se réveille avec une impression profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> terreur et <strong>de</strong>s battements <strong>de</strong> cœur et se<br />

précipite dans la rue pour se sauver, croyant qu’un tremblement <strong>de</strong> terre se produit. 3<br />

L’exemple est donné d’un mineur <strong>de</strong> Courrières ayant tenté, malgré sa terreur, <strong>de</strong> reprendre le<br />

<strong>travail</strong> à la mine, ce qu’il parvint à faire 5 mois après la catastrophe. Cependant :<br />

Il y réussit pendant 42 jours, malgré l’angoisse insurmontable qui le tourmentait constamment. Puis<br />

ensuite, après avoir combattu en vain <strong>de</strong> toute sa force <strong>de</strong> volonté contre cette impression d’angoisse<br />

1 E. Stierlin (1912) : Effet <strong>de</strong>s catastrophes sur le système nerveux, Annales d’hygiène publique et <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

légale, série 4, N° 18, p. 33.<br />

2 Ibi<strong>de</strong>m, p. 35.<br />

3 Ibi<strong>de</strong>m, p. 37.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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