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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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La même année 1954, H. Hécaen, avec la collaboration <strong>de</strong> J. De Ajuriaguerra, propose<br />

également une synthèse <strong>de</strong>s travaux sur la névrose traumatique, plus orientée cependant sur les<br />

problèmes théoriques que soulève la notion. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux auteurs ne manquent pas non plus <strong>de</strong> relever<br />

l’intrication entre la position médicale et la question <strong>de</strong> la compensation :<br />

Sous l’aspect théorique et spéculatif <strong>de</strong> telles conceptions, le plan pratique peut être immédiatement<br />

saisi, puisque nous sommes ici dans un domaine où le côté social est directement impliqué. L’adhésion<br />

à telle ou telle théorie entraîne ipso facto le mé<strong>de</strong>cin à exiger <strong>de</strong> la société une attitu<strong>de</strong> définie vis-àvis<br />

du traumatisé crânien et <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> compensation. 1<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Mais là où Evrard s’attachait d’emblée à clairement différencier le champ <strong>de</strong> la névrose traumatique<br />

<strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s états névrotiques consécutifs à un choc émotionnel, Hécaen, indifféremment sous les<br />

termes <strong>de</strong> névrose traumatique et <strong>de</strong> névrose post-traumatique, entend proposer une revue <strong>de</strong>s<br />

séquelles mentales observables chez les traumatisés crâniens et définit le domaine <strong>de</strong>s névroses<br />

post-traumatiques comme allant « <strong>de</strong> l’encéphalopathie traumatique aux névroses où l’émotion, les<br />

facteurs sociaux secondaires, la revendication, apparaissent clairement au premier plan » ; ceci au<br />

titre qu’il n’est pas possible <strong>de</strong> qualifier <strong>de</strong> purement organique ou <strong>de</strong> purement fonctionnel tel ou<br />

tel cas, tant il est le résultat <strong>de</strong> l’interaction <strong>de</strong> processus biologiques et <strong>psychique</strong>s.<br />

Dans les faits, l’article n’envisage que les névroses après traumatisme crânien, position paradoxale<br />

au regard du constat que les troubles névrotiques peuvent s’observer aussi bien en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> toute<br />

pathologie neurologique, notamment dans <strong>de</strong>s cas où le traumatisme physique est <strong>de</strong>s plus légers, ce<br />

qui est d’ailleurs le cas le plus fréquent ; « on peut les rencontrer en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> toute<br />

symptomatologie neurologique, mais ils peuvent accompagner <strong>de</strong>s séquelles évi<strong>de</strong>ntes ou se greffer<br />

sur elles. » (p.8). Il n’est guère étonnant dès lors que Hécaen se heurte à la variété extrême <strong>de</strong>s<br />

tableaux cliniques étudiés.<br />

Mais il relève que cette disparité tient sans doute moins à la clinique polymorphe <strong>de</strong> le névrose post -<br />

traumatique, qu’au regard et à l’attitu<strong>de</strong> du mé<strong>de</strong>cin expert, qu’il soit prescripteur ou contrôleur,<br />

dont il juge le comportement à l’égard <strong>de</strong> ces patients « souvent funeste et généralement<br />

subordonnée à leurs propres complexes inconscients ». Il ajoute :<br />

La névrose traumatique constitue en effet un <strong>de</strong>s points les plus sensibles du rapport mé<strong>de</strong>cinnévropathe.<br />

L’incrédulité bienveillante ou l’ironie réprimée envers le fonctionnel vont cé<strong>de</strong>r la place à<br />

une indifférence objective du juge. C’est que les conséquences du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> contact ne sont plus<br />

limitées au couple mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong>, mais qu’elles impliquent une responsabilité sociale <strong>de</strong> part et<br />

d’autre. <strong>Le</strong> mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>vient expert, le diagnostic <strong>de</strong>vient verdict du moment qu’il existe soit une mise<br />

en tutelle sociale, soit une reprise <strong>de</strong> <strong>travail</strong>. 2<br />

Or la décision <strong>de</strong> l’expert en faveur ou défaveur d’une incapacité ou d’une in<strong>de</strong>mnisation, est<br />

subordonnée à sa conception pathogénique du trouble. Il existe ainsi « une subordination évi<strong>de</strong>nte<br />

entre problème étiologique et médico-légal ».<br />

L’on retrouve finalement là le même constat que pour la sinistrose. Cependant, d’un point <strong>de</strong> vue<br />

nosographique, dans ce qui semble une régression notable par rapport à la différenciation qui<br />

1 H. Hécaen, J. De Ajuriaguerra (1954) : <strong>Le</strong>s névroses traumatiques (Problèmes théoriques). Congrès <strong>de</strong><br />

Psychiatrie et <strong>de</strong> Neurologie <strong>de</strong> langue française, Liège, 1954, p. 3.<br />

2 Ibi<strong>de</strong>m, p. 9-10.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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