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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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- l’événement externe faisant trauma peut aussi bien être bénin du moment que pour le psychisme<br />

qui y est confronté il représente une somme d’excitation inassumable, et c’est le cas <strong>de</strong> nombre<br />

d’hystériques. Une bonne part <strong>de</strong> ses élaborations futures va dans ce sens (dans L’homme Moïse<br />

notamment). La névrose traumatique pourrait ne faire ici que révéler une névrose infantile latente<br />

dans un effet d’après-coup.<br />

- l’événement peut sembler à tout un chacun exceptionnel, voire même, passé un certain seuil,<br />

dépasser les capacités <strong>de</strong> résistance <strong>de</strong> quiconque, et l’on ne peut pas ne pas penser ici à certains<br />

faits <strong>de</strong> guerre. L’on se trouverait alors dans le strict cadre d’une névrose traumatique.<br />

<strong>Le</strong> long développement qui fait suite et dont l‘objet est la « pulsion <strong>de</strong> mort », confirme cette<br />

secon<strong>de</strong> occurrence puisqu’il s’attache <strong>de</strong> donner un statut méta<strong>psycho</strong>logique à la répétition. Il en<br />

ressort un concept fondamentalement novateur ouvrant à une définition du trauma comme<br />

rencontre avec la mort, d’ailleurs presque unanimement aujourd’hui admise. Nous verrons<br />

cependant que l’on peut peut-être aller encore un peu plus loin que Freud ne l’a fait dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

ce rapport entre le trauma et la mort.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

C’est à Freud, dans ses considérations actuelles sur la guerre et la mort, <strong>de</strong> 1915, que l’on<br />

doit une première conception <strong>de</strong> notre rapport à la mort :<br />

C’est que la mort propre ne nous est pas représentable et aussi souvent que nous tentons <strong>de</strong> nous la<br />

représenter, nous pouvons remarquer qu’en réalité nous continuons à être là en tant que spectateur.<br />

C’est pourquoi dans l’école psychanalytique on a pu oser cette déclaration : personne, au fond, ne<br />

croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l’inconscient chacun <strong>de</strong> nous est convaincu<br />

<strong>de</strong> son immortalité. 1<br />

Il serait sans doute plus juste <strong>de</strong> dire que l’homme tient à l’égard <strong>de</strong> sa mort une double<br />

posture selon <strong>de</strong> « quelle mort » il s’agit, car il se sait à la fois mortel et immortel puisqu’il peut se<br />

penser au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa mort, position formellement i<strong>de</strong>ntique à celle que nous avons à l’égard <strong>de</strong> nos<br />

défunts : cultiver leur souvenir revient à les faire exister au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leur disparition. La mort chez<br />

l’être humain ne coïnci<strong>de</strong> pas avec la fin <strong>de</strong> sa vie, au sens biologique du terme. Ainsi, plus loin dans<br />

sa réflexion, Freud semble faire une concession importante à sa première affirmation quand il<br />

soutient que la vie « …perd <strong>de</strong> son intérêt, dès l’instant où dans les jeux <strong>de</strong> la vie il n’est plus possible<br />

<strong>de</strong> risquer la mise suprême, c’est-à-dire la vie elle-même ». (ibi<strong>de</strong>m, p. 33). Et si nous n’engageons<br />

que rarement un tel pari c’est que : « La pensée alors qui alors nous paralyse c’est <strong>de</strong> savoir qui, en<br />

cas <strong>de</strong> malheur, remplacera pour la mère le fils, pour l’épouse l’époux, pour les enfants le père. »<br />

(ibi<strong>de</strong>m, p.33-34).<br />

S’accepter comme mortel suppose ainsi une forme <strong>de</strong> <strong>travail</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil très particulier car ça n’est pas<br />

la perte <strong>de</strong> soi pour soi qui y serait en cause (sa propre perte), que l’abandon <strong>de</strong>s siens, le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> soi<br />

pour les autres. C’est bien pourquoi quand nous nous imaginons mort, ce que nous nous<br />

représentons imaginairement, c’est le poids <strong>de</strong> notre absence, la continuation <strong>de</strong> la vie sans nous. Il<br />

s’agit là d’un <strong>travail</strong> très particulier, celui consistant à accepter qu’autrui puisse se passer <strong>de</strong> notre<br />

présence : un <strong>travail</strong> <strong>de</strong> renonciation à la place que nous tenons (ou plus exactement croyons tenir) à<br />

1 S. Freud (1915), Considération actuelles sur la guerre et sur la mort, p. 31.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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