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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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autre considération, dans un processus judiciaire où la <strong>victime</strong> ne se voyait comme telle accor<strong>de</strong>r que<br />

très peu, sinon aucune place, hormis celle <strong>de</strong> plaignant et, quand elle était entendue, <strong>de</strong> témoin. L’un<br />

<strong>de</strong>s enjeux <strong>de</strong> cette lente évolution en sera les critères <strong>de</strong> recevabilité d’une plainte et ceux <strong>de</strong> la<br />

reconnaissance <strong>de</strong> l’existence d’un crime. Alors que la mé<strong>de</strong>cine légale, avec notamment A. Tardieu,<br />

s’efforcera <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r l’existence <strong>de</strong>s agressions sexuelles sur <strong>de</strong>s éléments objectivables, la suspicion<br />

continuera longtemps <strong>de</strong> peser sur les allégations <strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong>s femmes. Une notion issue <strong>de</strong> la<br />

psychiatrie et projetée sur l’examen <strong>de</strong> la crédibilité <strong>de</strong>s plaignants fera longtemps justification<br />

scientifique à cette suspicion, la mythomanie d’E. Dupré. Et il faudra qu’un ensemble significatifs <strong>de</strong><br />

redéfinitions sur le fond s’opèrent lentement dans le champ pénal, et finalement attendre l’après<br />

secon<strong>de</strong> guerre mondiale avec notamment le développement du mouvement féministe et la<br />

redéfinition <strong>de</strong>s genres sur d’autres bases que celle naturaliste du sexe, pour que le viol commence à<br />

être conçu comme atteinte à la personne justifiant sa sanction pénale, et les dommages qui peuvent<br />

s’ensuivre chez ses <strong>victime</strong>s être progressivement juridiquement reconnus et pris en compte.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Nous verrons ensuite la question du mal réapparaître <strong>de</strong> façon particulièrement brutale avec les<br />

<strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s catastrophes morales que connaît le 20 ième siècle : la Shoah et la menace nucléaire,<br />

telle qu’incarnée par Hiroshima et Nagasaki. <strong>Le</strong>ur caractère semblera d’autant plus impensable que<br />

l’une et l’autre semblent irréductibles à toute catégorie <strong>de</strong> l’enten<strong>de</strong>ment, ce qui conduira à la<br />

conception <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> « crime contre l’humanité » et à son corollaire, celle d’ « humanité ».<br />

Parallèlement, cela donnera lieu chez leurs survivants au développement <strong>de</strong> multiples pratiques <strong>de</strong><br />

témoignage mettant particulièrement l’accent sur l’insupportable <strong>de</strong> la condition qui leur avait été<br />

faite. Ils nous rendront collectivement attentifs aux formes <strong>de</strong> violence caractérisées par la négation<br />

<strong>de</strong> l’altérité, qu’elle prenne la forme du génoci<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s guerres civiles, <strong>de</strong>s violences d’état…, ou <strong>de</strong>s<br />

multiples et moins apparentes formes d’exclusion sociale. Dans leur prolongement, « l’humanitaire »<br />

en naitra avec le droit, puis l’obligation, d’ingérence. Il se concrétisera par <strong>de</strong>s pratiques<br />

d’intervention multiformes au plus près <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s catastrophes désormais dites « humanitaires ».<br />

Enfin nous évoquerons les plus récentes évolutions que va connaître la victimité, qui se<br />

caractérisent par une prise en compte <strong>de</strong> plus en plus générale et systématique <strong>de</strong>s <strong>victime</strong>s à<br />

mesure que note société parcourt tous ses espaces <strong>de</strong> dangerosité, inventant à chaque fois <strong>de</strong><br />

nouvelles formes <strong>de</strong> violence et <strong>de</strong> victimisations. <strong>Le</strong> traumatisme, dans une conception extensive<br />

<strong>de</strong>viendra un référentiel fort, signe qu’un déplacement s’est opéré avec l’intérêt <strong>de</strong> plus en plus<br />

systématiquement porté sur ce qui est dès lors désigné et reconnu comme la souffrance <strong>psychique</strong>.<br />

Celle-ci correspond au primat désormais accordé à la subjectivité et à un impératif nouveau, plus<br />

justement à une forme nouvelle <strong>de</strong> responsabilité : être soi, se réaliser, mais pour autrui…<br />

Mais il fallait aussi, pour qu’elle prenne la signification qu’on lui accor<strong>de</strong> aujourd’hui, qu’elle tienne<br />

aussi à la réintégration dans la subjectivité <strong>de</strong>s facteurs externes, ou, dit autrement, <strong>de</strong>s effets sur le<br />

sujet <strong>de</strong> la « précarité du mon<strong>de</strong> », c’est-à-dire <strong>de</strong> tout ce qui fait obstacle à cette réalisation obligée<br />

<strong>de</strong> soi.<br />

La notion <strong>de</strong> traumatisme, empruntée à la <strong>psycho</strong>logie et à la psychiatrie, fournira à cette<br />

reconfiguration générale du mal une expression emblématique, en mettant l’accent sur le caractère<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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