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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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l’expression et le partage d’une condition spoliée, <strong>de</strong>ssaisie d’elle-même, d’une subjectivité<br />

empêchée et <strong>de</strong>s effets délétères <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>ssaisissement.<br />

97<br />

Dans ce nouveau paradigme <strong>de</strong> la souffrance <strong>psychique</strong>, il apparaissait évi<strong>de</strong>nt qu’une expérience<br />

humainement intolérable était également une expérience <strong>psycho</strong>logiquement intolérable. 1<br />

Dans une telle perspective, le rescapé est un survivant mais aussi celui qui gar<strong>de</strong> la trace mémorielle<br />

<strong>de</strong> l’expérience pathogène. C’est précisément cette marque, ou trace, que vient désigner et<br />

objectiver le traumatisme et cela en lien non avec une morbidité personnelle mais avec<br />

l’insupportable d’un événement ou d’une situation.<br />

L’idée d’un intolérable absolu, indépendant <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> chaque sujet, indépendant <strong>de</strong> la<br />

volonté <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres, seul produit, pourrait-on dire <strong>de</strong> l’événement, se noue précisément à la<br />

possibilité d’en évaluer les conséquences. Des conséquences qui affectent directement la condition <strong>de</strong><br />

l’humain et qui se marquent dans une trace indélébile, souvent indicible, qui cependant rendrait<br />

compte du franchissement d’une limite radicale. 2<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Aux Etats-Unis, la reconnaissance viendra <strong>de</strong> l’appui d’une psychiatrie en crise, accusée <strong>de</strong><br />

toutes parts <strong>de</strong> conservatisme et en recherche <strong>de</strong> nouvelles légitimités. Celle-ci introduit en 1970,<br />

dans le cadre <strong>de</strong> la troisième version révisée <strong>de</strong> son manuel diagnostic, le DSM, une entité clinique<br />

nouvelle : le Post Traumatic Stress Disor<strong>de</strong>r ou PTSD.<br />

A mainte reprise critiqué, tout comme les bases conceptuelles et cliniques <strong>de</strong> l’ensemble du DSM,<br />

par une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la psychiatrie française au reproche <strong>de</strong> sa vision essentiellement<br />

symptomatique <strong>de</strong>s troubles mentaux, le PTSD se présente comme une entité plus soucieuse <strong>de</strong> se<br />

positionner vis-à-vis <strong>de</strong> certaines questions sociales que <strong>de</strong> rigueur <strong>psycho</strong>pathologique. C’est du<br />

moins ainsi que D. Fassin et R. Rechtman proposent d’analyser son émergence et son succès, notant<br />

les liens profonds qui l’unissent à <strong>de</strong>ux problèmes auxquels est alors confrontée la société nordaméricaine<br />

: la guerre du Vietnam et les séquelles <strong>psychique</strong>s avec lesquelles en reviennent nombre<br />

<strong>de</strong> vétérans, et les violences à l’égard <strong>de</strong>s femmes.<br />

Concernant les conséquences <strong>de</strong>s secon<strong>de</strong>s, elles soulevaient, selon J. Herman (1992), <strong>de</strong>s problèmes<br />

bien plus complexes que les troubles <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>puis longtemps connus <strong>de</strong> la psychiatrie militaire,<br />

car d’une part elles étaient tues, pour ne pas dire déniées, d’autre part et surtout parce qu’il<br />

n’existait pas <strong>de</strong> nom pour dire « la tyrannie <strong>de</strong> la vie privée » :<br />

La rencontre avec les aspirations <strong>de</strong>s mouvements féministes allait justement offrir à la psychiatrie<br />

américaine, comme plus tard avec les mouvements homosexuels, l’occasion <strong>de</strong> démontrer sa nouvelle<br />

capacité à épouser les besoins <strong>de</strong> la population et plus particulièrement <strong>de</strong>s couches opprimées par<br />

l’ordre social qu’on lui reprochait d’avoir toujours servi. 3<br />

<strong>Le</strong> PTSD participe ainsi d’une rupture avec le paradigme <strong>de</strong> la névrose :<br />

1 Ibid.., p. 169.<br />

2 Ibid., p. 167.<br />

3 R. Rechtman (2005) : Du traumatisme à la <strong>victime</strong>, In D. Fassin et P. Bour<strong>de</strong>lais (sous la direction <strong>de</strong>), <strong>Le</strong>s<br />

constructions <strong>de</strong> l’intolérable, La découverte, Paris, p. 183.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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