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La généalogie de l'espace comme "champ de bataille ... - Archipel

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<strong>La</strong> justice <strong>de</strong> la guerre, lorsqu'elle est rapportée à lajusta causa, comporte toujours à l'état latent une<br />

amorce <strong>de</strong> discrimination <strong>de</strong> l'adversaire injuste, et donc l'élimination <strong>de</strong> la guerre <strong>comme</strong> institution<br />

juridique. <strong>La</strong> guerre <strong>de</strong>vient alors bien vite une simple action pénale, elle prend un caractère punitif<br />

[...]; J'ennemi <strong>de</strong>vient simple criminel, et le reste, à savoir la privation <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'adversaire et le<br />

pillage <strong>de</strong> ses biens, c'est-à-dire la <strong>de</strong>struction du concept d'ennemi qui formellement présuppose<br />

toujours unjustis hostis, s'ensuit pratiquement tout seul (Schmitt, 2001 : 123).<br />

En présence d'un justis hostis, où l'ennemi est considéré l'égal, en droits, du<br />

belligérant, Schmitt y « voit la garantie d'une guerre limitée et plus humaine », plus<br />

tolérable, car une certaine relation juridique encadre la guerre:<br />

<strong>La</strong> guerre <strong>de</strong>vient dès lors une guerre en forme, et cela uniquement parce qu'elle <strong>de</strong>vient une guerre<br />

entre États européens <strong>comme</strong> tels, clairement délimités quant à leur surface, un conflit entre <strong>de</strong>s unités<br />

spatiales figurées <strong>comme</strong> <strong>de</strong>s personae publicae qui forment la famille européenne sur le sol européen<br />

commun et qui sont là en mesure <strong>de</strong> se reconnaître mutuellement <strong>comme</strong> justi hostes. <strong>La</strong> guerre peut<br />

<strong>de</strong>venir ainsi quelque chose d'analogue à un duel. [... ] Les <strong>de</strong>ux parties se reconnaissent <strong>comme</strong><br />

États. Par là même il <strong>de</strong>vient possible <strong>de</strong> distinguer entre J'ennemi et le criminel. <strong>La</strong> notion d'ennemi<br />

<strong>de</strong>vient susceptibJe <strong>de</strong> prendre une forme juridique (Schmitt, 2001 : 143).<br />

Frédéric Gros exprime cette conception schmittienne <strong>de</strong> la guerre <strong>comme</strong> une « guerre<br />

loyale », où elle est mise en opposition à la guerre <strong>de</strong> juste cause (Gros, 2006 : 192). <strong>La</strong><br />

thèse défendue par Schmitt dans son Nomos <strong>de</strong> la terre est que « toute guerre qui se<br />

veut, qui se proclame juste considère son ennemi <strong>comme</strong> inférieur et le disqualifie<br />

d'emblée. Elle oppose la justice à l'iniquité, le bien au mal, un État propre à un "État<br />

voyou" » (Gros, 2006 : 205). <strong>La</strong> figure <strong>de</strong> l'ennemi juste, dujustus hostis est la vision<br />

<strong>de</strong> l'ennemi <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité européenne <strong>de</strong>s Traités <strong>de</strong> Westphalie à la Gran<strong>de</strong> Guerre.<br />

Dans la Guerre contre la terreur, on est cependant bien loin <strong>de</strong> l'ennemi juste, <strong>de</strong> la<br />

guerre loyale et <strong>de</strong> règles communes respectées par les belligérants, surtout quand<br />

certains sont compris <strong>comme</strong> <strong>de</strong>s combattants ennemis. Il n'est pas question d'hostis<br />

(ennemi public) mais d'inimicus (ennemi particulier). Aux yeux <strong>de</strong> Schmitt, « la guerre<br />

politique serait moins anéantissante qu'une guerre au nom <strong>de</strong> l'humanité »; la théorie<br />

schmittienne <strong>de</strong> la construction juridique <strong>de</strong> l'ennemi juste confirme justement qu'« il<br />

ne saurait y avoir <strong>de</strong> haine entre ennemis publics, mais une hostilité conventionnelle et<br />

raisonnable» (Gros, 2006 : 206, n. 1 et 260).<br />

206

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