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tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

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LOUIS PIÈRARD 105<br />

qui forment le trésor <strong>de</strong> la race, un « trésor <strong>de</strong>s humbles »<br />

infiniment touchant. Certes, Elskamp connaît, autrement<br />

que par <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> musée, ce « peuple sien » qu'il a<br />

chanté avec <strong>de</strong>s accents si doux et si fraternels. Il a fréquenté<br />

les gens <strong>de</strong> mer, les gens du port <strong>de</strong> même que les<br />

paysans <strong>de</strong> la Campine et les carriers du Hainaut. Nul<br />

mieux que lui ne connaît le vieil Anvers populaire, ces<br />

quartiers étonnants, bariolés et grouillants <strong>de</strong> vie, qui avoisinent<br />

le port, où tout-à-coup, au détour d'une rue pleine<br />

<strong>de</strong> bars cosmopolites et <strong>de</strong> bouges à matelots, on a la<br />

surprise <strong>de</strong> découvrir une impasse tranquille, habitée par<br />

<strong>de</strong>s autochtones, bordée <strong>de</strong> maisons à rouges toits <strong>de</strong>ntelés.<br />

Une humble et délicieuse madone, assise dans sa<br />

caisse <strong>de</strong> verre, parmi les fleurs en papier doré et <strong>de</strong>vant<br />

laquelle brûle la petit lumière inextinguible, prési<strong>de</strong> aux<br />

ébats <strong>de</strong> toute une marmaile, aux longues parlottes <strong>de</strong><br />

femmes aux poitrines rubéniennes, dont le parler est savoureux<br />

et haut en couleur comme leur visage. Une promena<strong>de</strong><br />

avec Elskamp dans ces vieux quartiers du port, c'est<br />

un plaisir <strong>de</strong> tous les instants.<br />

Le poète est né au cœur <strong>de</strong> ce vieil Anvers. Son enfance,<br />

saturée <strong>de</strong> l'o<strong>de</strong>ur d'épices, <strong>de</strong> guano et <strong>de</strong> peaux <strong>de</strong> bêtes<br />

qui est celle d'un grand port <strong>de</strong> mer, s'est écoulée dans<br />

une maison <strong>de</strong> la rue Saint-Paul, proche le Canal au Sucre,<br />

les vastes hangars qu'emplit le fracas <strong>de</strong>s métaux, le pavé<br />

qui tressaute au passage <strong>de</strong>s longs et lourds chariots <strong>de</strong>s<br />

« nations » (1) la forêt innombrable <strong>de</strong>s mâts que domine<br />

l'arachnéenne <strong>de</strong>ntelle <strong>de</strong> la tour <strong>de</strong> Notre-Dame. Le calvaire,<br />

d'un réalisme barbare, adossé aux flancs <strong>de</strong> l'église<br />

Saint-Paul, emplissait <strong>de</strong> visions tourmentées ses songes<br />

d'enfants. Tout près <strong>de</strong> là, habitaient les filles <strong>de</strong> joie,<br />

dans les rues du Ridijk, où <strong>de</strong>s madones parées souriaient<br />

aux hétaïres du fond <strong>de</strong> leurs niches, creusées dans les<br />

faça<strong>de</strong>s. Des fenêtres <strong>de</strong> la maison paternelle, l'enfant<br />

voyait passer les processions et les cortèges historiques,<br />

(1) Sorte <strong>de</strong> compagnies <strong>de</strong> débar<strong>de</strong>urs.

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