tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

PAUL ANDRÉ 309
possession avec despotisme de nos sens, de notre cœur même et
de la notion que nous prétendons avoir de ce qui est juste et raisonnable.
Et puis, il y a l'art des interprètes. Pour quelques-uns de ceux
qui ont joué L'Embuscade, aux Galeries, cet art est de tout premier
ordre. M. Brousse, par exemple, a donné une sombre et juvénile
énergie au personnage de Robert; plusieurs autres, comme
M. Prévost, Mme Fériel, Mme Moréna, ont joué avec de remarquables
qualités d'observation ou d'émotion. Mais M. de Féraudy
a atteint, lui, aux limites de la perfection. Il a incarné, il a vécu
ce Jean Cuéret aux multiples nuances de sensibilité très humaine.
Son pathétique ne cesse d'être naturel un seul instant; pas une
minute son naturel ne manque d'être profondément émouvant.
Le Petit Sac. — C'est le cas de dire que ces trois actes sont
bâtis sur une pointe d'aiguille. Est-ce de l'art, de l'habileté, est-ce
une façon d'une ingéniosité sans pareille d'appliquer les règles les
plus adroites d'un métier sans hésitation? Peu importe. L'essentiel
est que le résultat cherché soit atteint. Je crois bien qu'il l'est,
grâce à la collaboration des auteurs, qui sont bien les plus étonnants
prestidigitateurs de mots, les pyrotechniciens des plus joyeux
feux -d'artifice d'esprit, et des interprêtes qui dépensent un brio et
une fantaisie piquante.
A la tête de ces amusants comédiens se trouvaient à l'Olympia
la toujours impayable Mlle Marguerite Deval et cet excellent artiste
au jeu sobre et malicieux M. Gorby, naguère très choyé par les
habitués du Parc.
Raconter le Petit Sac! D'abord c'est en déflorer la gaîté primesautière,
l'amusante observation. Et puis cela tient en dix lignes :
Georgette a simulé la perte de son réticule dans un imaginaire
accident d'automobile. Elle convient avec Julien de Château-Fronsae
qu'il rapportera le petit sac à sa propriétaire de telle sorte
qu'il fera la connaissance du mari de celle-ci et pénétrera dans l'intimité
du ménage. Tout cela pour que soit " correct " l'adultère
que Georgette a promis à Julien de consommer avec lui.
Mais le mari n'est pas le naïf que l'on croit. Il perce l'intrigue
à jour et, sans tapage, sans avoir l'air d'y toucher, il déjoue les
plans trop malins de ceux qui doivent finir par renoncer à le tromper.