tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

ELIE BAUSSART 355
paraissait grand que le jour où des monstres de fer et de
feu l'avaient sacré à la vie héroïque !
Nous nous trouvions un peu dans la situation de quelqu'un
qui vit loin de sa famille, qu'il n'a guère connue et
qu'il sait indigente.
Sans doute, sans qu'il s'en rende compte de solides liens
d'amour le rattachent aux siens, mais, de fait, il leur témoigne
juste assez de déférence pour n'être point suspecté
d'ingratitude.
Et voilà que, soudain, nous rejoignions la grande famille
de chez nous, non pas cette incolore réunion d'ancêtres
falots et banaux, mais une glorieuse lignée de héros et
de génies !
Tous étaient là, réunis pour la première fois, vivants
dans leurs œuvres, riches de signification racique et de
discret rappel du culte patrial méconnu. Chose merveilleuse
! de cette foule d'originalités si diverses, surgies en
des milieux si lointains parfois, se dégageait — ô si harmonieuse
pour nos sensibilités wallonnes — une image, unique,
vivante, frémissante, l'âme de la race.
Et nous ressuscitions avec elle.
Devant notre passé, s'imposant à nous ou mieux s'insinuant
en nous avec tant d'irrésistible charme, nous prenions
conscience de notre « moi » ethnique.
Et comme nous allions le « vivre » ce moi quasi insoupçonné.
Quelle stations passionnées devant les épopées de
dele Pasture ! De quel rythme s'ordonnait notre méditation
devant l'harmonie des du Brœucq !
Ah ! comme nous la comprenions, par la contemplation
de notre passé, notre "Wallonie d'aujourd'hui, soit que la
courbe gracieuse de ses collines bénissant les vallées bleues
rappelât la ligne pure du maître Montois, soit que le sérieux
tragique de nos bouilleurs au jour de catastrophe
répétât ce visage suffoquant d'angoisse des Saint-Jean du
« Maître pathétique ».
Il n'était guère de jours où quelque jouissance n'avivât,
lors de nos communions esthétiques, la flamme de notre