tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

318 LES SALONS ET LES ATELIERS
par au-dessus, la lumière arrivant dans la salle par un petit lanterneau
central est absolument compromettante pour un tel métier.
Voilà où l'on en arrive avec ces métiers extravagants. Par exemple
: la vache, où certains clairs ont un bon demi centimètre
d'épaisseur au-dessus des noirs ; puis certaine figure claire de
second plan est comme au fond d'une caverne de couleur sombre;
ailleurs, sur un pot la couleur est mise dans sa forme cylindrique,
épaisse comme elle est sortie du tube ! Que devient tout
cela dans un éclairage du haut! Heureusement, j'ai vu certaines
de ces toiles ailleurs, avec un éclairage de face, tel le magnifique
portrait rouge : portrait de dame, et la Salomé, femme et enfant,
portrait de M. Coburn, portrait d'un jeune peintre. Qui n'a pas
vu ces œuvres, ailleurs, ne les connaît pas ! Je prétends que de
pareilles techniques n'ont aucune nécessité et constituent de mortels
dangers.
On dit que les grands hommes perdent souvent à être vus en
robe de chambre. Quelques-uns y gagnent et valent mieux alors
qu'en leur tenue pompeuse. J'aime mieux, aujourd'hui, les sanguines,
les fusains de Smits. Il n'a pensé, en ces études, qu'à
être sincère, c'est lui, et ce n'est pas peu dire.
Peut-on penser sans colère que chacune de ses toiles actuelles
est abimée sciemment, par un vouloir concerté; chacune aurait pu
être une œuvre aussi belle que le père du condamné, le symbole,
le Christ et l'enfant à la canne; il en a décidé autrement pour être
moderne; il y a donc sous chacune de ses toiles d'aujourd'hui un
grand artiste masqué, travesti ; ah ! cette exécrable mode ! cette
faiblesse des forts et des puissants; c'est à lui sauter à la gorge,
à Jakob Smits, à lui arracher la peau pour le forcer du moins à se
montrer nu.
Retrouvera-t-il ce courage?
RAY NYST.