tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

138 GUSTAVE VANZYPE
de René, modifiée par la barbe, l'hypnotise. Chose étrange
! René est le portrait vivant de Jean, le demi-frère de
Grandal, né d'un premier mariage de sa mère ! Sa femme
n'a point menti : René est son fils. Mais alors?... Quel
mystère ! « Quels morts sont avec nous dans la couche
nuptiale? » ...A qui ressemblera l'enfant?
Sous ces émotions trop fortes l'esprit de Grandal sombre
; à l'instant où on lui annonce le succès de ses expériences,
il ânonne le couplet grivois du grand'père gâteux.
Mais le blé lève, le blé lève ! et le jeune couple d'un regard
clair, affronte l'avenir qui s'avance.
Telle est cette œuvre puissante, magistrale, d'une unité
parfaite, d'une simplicité qui est le comble de l'art, où
rien n'est tenté pour séduire le public et dont l'intérêt
découle uniquement du développement des idées et des
caractères. Elle est l'exaltation enthousiaste de l'effet,
de l'inquiétude salutaire qui nous excite et nous fortifie,
de la confiance dans la vie, de l'esprit de sacrifice, de l'héroïsme
du devoir librement accompli.
Et ce n'est point l'aboutissement d'une carrière déjà
féconde. C'est l'épanouissement glorieux d'un talent dont
la maturité nous fait présager la beauté des floraisons futures.
Ce talent qui s'apparente à celui de François de
Curel, d'Emile Fabre et d'Eugène Brieux par le goût du
sujet social ou philosophique, le dédain des subtilités de
psychologie amoureuse, la hauteur de pensée, la pureté de
l'intention, la probité artistique et la maitrise d'exécution,
s'est fortifié par la recherche constante de la vérité, de
la noblesse de l'idée, de l'émotion spirituelle et de la simlicité
des moyens. Il a ses racines profondes dans la foi
en l'optimisme, la beauté des choses, le culte de la vie, le
sentiment du devoir et l'amour de l'humanité.
Et l'œuvre de Vanzype remémore ce qu'il dit lui-même
de Vermeer de Delft :