tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

80 LE DRAME ET L'OPÉRA
très prochain, où les détestables fauteurs de zizanie cesseront de
se haïr et de revendiquer de soi-disants droits que l'égoïsme et
l'intérêt seuls imaginent, pour se souvenir uniquement qu'ils sont
belges et bons patriotes.
Il n'est personne, parmi les trouble-fête eux-mêmes et l'on sait
en quelle infime mais turbulente minorité ils se trouvent, qui n'applaudisse
à des intentions aussi louables.
Ce que l'on peut reprocher à M. Davignon c'est d'avoir, sous
prétexte d'exposer d'aussi nobles et graves idées, mis à la scène
un tout petit conflit domestique, une querelle de ménage sans
gros intérêt pour nous. Nous nous prenons, en définitive, à nous
avouer que le conflit des langues n'ayant en Belgique que ce seul
résultat d'empêcher un fils d'horticulteur gantois d'épouser la
petite bonne amie dont il a fait la connaissance quand il musardait
au « carré » ou sur le quai de la Batte, le mal ne serait pas bien
grand et ne vaudrait pas, en tout cas, que nous en fussions fort
émus?...
Autre chose serait déjà si la réconciliation ne se fût pas opérée
chez Troyen, si Georges s'étant refusé à rentrer au bercail, sa
mère fût entrée en lutte ouverte avec son mari, si Reine eût perdu
son fiancé, si Lodewijck sorti en claquant les portes ne fût plus
revenu dans la « maison du scandale », si Violette ne se fût pas
sacrifiée au mépris de ses intérêts et de sa tranquillité.
Voir entrer le malheur dans cette maison nous eût inclinés à
détester les causes de ce malheur. Aujourd'hui que tout s'arrange
nous sommes indulgents.
Il n'en reste pas moins que M. Henri Davignon a donné, en
écrivant un premier acte qui est d'une excellente facture scénique,
la preuve qu'il sait ce qu'exige le théâtre; en créant un type tel
que Lodewijck, dont il suffirait d'atténuer certains traits de caricature
un peu exagérés pour qu'il fût un modèle de personnage
de comédie, il a témoigné d'une originalité et d'un sens du comique
pleins de verve. Cela ne suffit-il donc pas pour que l'on tienne
La Querelle pour un des plus intéressants des essais que nos jeunes
dramaturges ont tentés en ces dernières années?
*
Moins graves ont été les préoccupations des heureux auteurs de
La Demoiselle de Magasin, lorsqu'ils ont, une fois de plus, voulu
mettre sous nos yeux un intérieur de petits bourgeois de Bruxelles,
commerçants honnêtes aux mœurs patriarcales, au langage savoureux,
aux sentiments simples mais sincères.