tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

ARTHUR DE RUDDER 301
— Mais quoi ! tu ne peux me dire comment ils chantent
toi qui a si bien décrit leur chant.
— Je l'ai décrit, répondit d'Annunzio, mais je ne
pourrai le reproduire.
Mais d'Annunzio quitta Arcachon. Il se rendit à Bellevue
près de Paris, où il possédait également une maison
de campagne.
C'est à Bellevue que les deux artistes vécurent les meilleures
heures de leur collaboration.
Ils vivaient joyeusement. Ils ne dédaignaient pas la
plaisanterie. Mascagni n'avait pas encore pu entendre
chanter le rossignol. Son embarras était grand. Il en avait
fait part à Sonzogno son éditeur, qui, un beau jour vint
à Paris et lui apporta une cage contenant un magnifique
rossignol. Mais l'oiseau était un oiseau mécanique.
Il chantait à la perfection. Il suffisait de le remonter. Un
jour Mascagni aborda d'Annunzio et lui dit : tu m'as
trompé, tu m'as dit que les rossignols ne chantaient
pas, eh bien écoute ». D'Annunzio écouta et s'émerveilla.
Il ne revenait pas de sa surprise. Aussi grande
fut sa déception quand on lui dit que le magnifique chanteur
était un automate.
Et Mascagni exprime son amitié pour le poète. « Dans
l'intimité d'Annunzio est un homme charmant, plein de
délicatesse. Il avait de telles attentions pour moi quand
je me mettais au travail ! Et avec quelle religion il écoutait
ce que j'avais composé. C'était vraiment extraordinaire.
Il avait placé un fauteuil dans mon cabinet
de travail. Il s'y asseyait et ne bougeait plus. Je priais
ma fille de me dire ce que faisait le poète, car je ne
pouvais le voir, me trouvant au piano. Ma fille me confiait
alors : « D'Annunzio prête une attention qui me
surprend. Tu es resté une heure et demi au piano, et il
semblait qu'aucun muscle de son visage ne s'agitait. Seulement
aux moments de grande ém°tion, il a fait des mouvements
imperceptibles ». O beaux jours de Bellevue!
O loisirs charmants, loisirs de jeunesse. Nous jouions en-