tome 34 (n°115-119) - de l'Université libre de Bruxelles

MAURICE GAUCHEZ 341
d'inexprimable, étonné, doux, candide, faisant face à l'inconnu,
attendant le mystérieux éclair de l'intuition ».
Le procédé employé par M. Bergson pour la solution des
problèmes est audacieusement ingénu. Pour résoudre une
question, il commence par la supprimer, par montrer qu'elle
ne se pose pas, n'existe pas. Le libre arbitre? Il démontre
que, amis et ennemis de la liberté ont toujours confondu
et n'ont jamais su de quoi ils disputaient. Le temps? Il
en distingue deux : celui des philosophes, des savants, des
horloges, qui est le temps artificiellement fabriqué avec
de l'espace et divisé en petits morceaux, et celui qui est
le temps vrai, la durée réelle, le sentiment même que nous
avons de changer et de vieillir, écoulement sans fin, progrès
continu.
De même que ses disciples actuels, peut-être les auditeurs
de naguère n'allaient-ils pas au fond de la doctrine
du maître. Emerveillés par sa dialectique, ils étaient
séduits sans avoir saisi, car la parole suffisait à M. Bergson
pour exercer hier, comme il l'exerce aujourd'hui, sa profonde
influence.
Après avoir esquissé l'engouement que provoquent les
théories bergsoniennes, j'ai voulu montrer en quoi, et par
quoi celles-ci sont originales. Je me suis efforcé de donner
à mes interprétations le plus de clarté possible. Les méthodes
et les livres de l'auteur de « L'Evolution Créatrice
» me sont et chères, et famillières. Qu'on me permette
de regretter profondément de les voir prônées par
tant de cervelles vides qui les ignorent totalement.
MAURICE GAUCHEZ.